« Nous ne faisons que passer », dit Trom, personnage à la fois énigmatique, intemporel, dont on imagine la voix calme et apaisante, qu’il n’a nul besoin de hausser. Grand collectionneur de carnets aux multiples couleurs dans lesquels il consigne, tel un navigateur avisé, chacun de ses déplacements, chacune de ses découvertes, conscient que la valeur de l’expédition, son sens, résident davantage dans le parcours, la lente progression qui nous mène du connu à l’inconnu. « Nous ne faisons que passer », répétera-t-il sans cesse en multipliant les formules pour qualifier et interroger notre présence en ce monde. Raison de plus pour y être attentif, présent, ouvert et réceptif à tout ce qu’il peut nous offrir et nous faire découvrir, autant, voire sinon plus, sur nous-même que sur ce monde que nous traversons à la hâte, tête baissée, les yeux et le cœur le plus souvent fermés.
« Le monde, poursuit Trom, tout à la fois philosophe et poète, ne se révèle bien qu’à ceux qui savent revivifier leurs sens, qu’à ceux qui ont appris à renaître toujours neufs, en chaque moment de la vie éveillée. » Voilà en quelque sorte le projet qui sous-tend ce très beau recueil de textes de Pierre Morency. Ce qui anime Trom, dont le nom même, dès lors que l’on inverse les lettres qui le composent, renvoie au caractère éphémère de toute existence, n’est autre que « la soif de sens, la soif de dire en peu de mots, et parmi les plus simples, le sens de notre passage sur terre ». Et cette quête, pour grave qu’elle puisse être, n’est pas dénuée de lumière et de générosité, ni de ce côté ludique qui la range, par moments, aux côtés de celle menée par Jacques Prévert, Christian Bobin, Annie Dillard. À l’heure du loup se compose de petits bonheurs qui se conjuguent au fil des jours avec ce que chacun d’eux apporte, joies et peines, vérités et doutes, émerveillements et désenchantements fondus ici au creuset même de la vie.
œuvre de maturité, les textes rassemblés dans ce recueil projettent un regard à la fois lucide et pacifié sur le parcours d’une vie. C’est en quelque sorte cela l’heure du loup, cette heure où nous prenons conscience du sens et de l’étendue de notre vie, et de la fidélité accordée à notre voix intérieure.