Défenseur et amoureux des mots, Bernard Pivot a choisi une centaine de mots perdus qu’il veut voir revalorisés ; noms, adjectifs, adverbes ou interjections, vieillis ou injustement négligés, que l’on devrait réintroduire dans la langue française pour une plus grande diversité linguistique ou simplement pour le plaisir de leur sonorité. L’auteur fait l’éloge de ces cent mots, présentés alphabétiquement sur une page, en commençant par « argousin », terme pour désigner un policier, encore utilisé il y a un demi-siècle dans la chanson « Corne d’Aurochs » de Brassens.
Les lecteurs reconnaîtront ici plusieurs mots qu’ils n’emploient pourtant jamais, par exemple des interjections qu’il serait difficile d’introduire dans les conversations quotidiennes, comme « Diantre ! », « Fi ! » et « Saperlipopette ! » En revanche, des mots recherchés comme le verbe « seoir » et l’adverbe « subséquemment » me semblent irremplaçables. Quelques mots relevés ici n’apparaissent même pas dans les dictionnaires Le Robert et Larousse, comme « peccamineux », adjectif signifiant « pécheur », encore employé dans la traduction française du roman péruvien d’Alfredo Bryce-Echenique, Guide triste de Paris. Beaucoup de ces mots argotiques ont servi à désigner les défavorisés (« gueux », « pauvret »), les gens à éviter (« pendard », « rufian ») et aussi les filles (« nénettes » et le péjoratif « péronnelle »).
Certains mots considérés comme rares sembleront familiers aux lecteurs québécois. Le verbe « barguigner », le plus souvent employé dans sa forme négative, signifierait « hésiter ». Le texte ajoute qu’autrefois, aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce mot signifiait plutôt « négocier » et qu’il n’est plus employé dans ce sens, sauf, pourrions-nous ajouter, au Québec, où l’emploi du mot « barguiner » reste fréquent (voir le Dictionnaire québécois-français de Lionel Meney). Plus loin, Bernard Pivot rappelle aussi la « brune », nom qui désigne la tombée de la nuit, alors que nous utilisons fréquemment au Québec le mot « brunante », comme dans l’expression « la projection en plein air débutera à la brunante ». Ailleurs, l’auteur signale le mot « septentrion », qui désigne le nord.
Ce petit livre réserve des découvertes savoureuses à ceux qui aiment cultiver les nouveaux mots.