Auteur/autrice : Denis Landry

  • Les 50 ans du Noroît. Tous les vents du poème

    Les 50 ans du Noroît. Tous les vents du poème

    Fondée en 1971 par Célyne Fortin et René Bonenfant, la maison d’édition montréalaise le Noroît célèbre donc, cette année, ses 50 ans. Un demi-siècle d’une importante présence dans le milieu poétique d’ici : plus de 1000 titres à son catalogue et des centaines de poètes et d’artistes à la rencontre des lecteurs.

    Une aventure éditoriale soulignée par la publication d’un « livre anniversaire », à mi-chemin entre l’anthologie et le portfolio d’artiste, intitulé : J’écris peuplier1. Ce livre . . .

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  • L’arrière-pays de Christian Bobin : Éloge avec carnets à l’appui

    L’arrière-pays de Christian Bobin : Éloge avec carnets à l’appui

    Il y a maintenant dix-huit ans de cela, Nuit blanche consacrait un article à Christian Bobin1, dont les livres commençaient à rejoindre un public de plus en plus large, tout en essuyant parfois de sévères critiques.

    Le dénuement et la quête spirituelle qui prévalent dans la démarche de Christian Bobin depuis ses tout premiers titres avaient laissé certains critiques dubitatifs, voire récalcitrants à ses propositions. L’air de flûte qui éclaire secrètement l’écriture de Christian Bobin, comme le souligne Lydie Dattas qui signe la préface, n’eut pas l’heur de plaire à tous. Certains associaient cette musique à de l’angélisme. Disons-le sans détour, aux yeux de plusieurs, Christian Bobin était un écrivain régional. Pour un public averti, donc forcément restreint. On se passait ses livres de main à main, entre lecteurs élus. Puis, Jean Grosjean, lecteur chez Gallimard, accueillit La part manquante2 dans les rangs de la prestigieuse maison, et la communauté de lecteurs s’agrandit passablement. Plusieurs titres se succédèrent ; plusieurs ont été primés. D’écrivain régional, Christian Bobin acquit le statut d’écrivain reconnu. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’un éditeur consacre à son œuvre un ouvrage qui en retrace la genèse. L’arrière-pays de Christian Bobin3 nous propose un éclairage intime de l’œuvre qui continue de se déployer et de multiplier les échos qu’il entretient d’un titre à l’autre. L’ouvrage, qui contient plusieurs photographies, illustrations et extraits manuscrits des carnets de l’auteur, retrace l’enfance de ce dernier au Creusot, ses relations familiales, ses années d’apprentissage, ses lectures, ses interrogations et ses doutes, ses amitiés, ses goûts musicaux et picturaux, bref tous les aspects de sa vie qui trouvent écho dans ses écrits. À la fois hommage et clé de lecture d’une œuvre singulière qui regroupe déjà une soixantaine de titres.

    Revenons sur l’article paru en 2003. « On pourrait recenser les livres selon l’embarras d’en parler » y déclarais-je d’entrée de jeu, reprenant une citation extraite de La part manquante, premier titre à avoir connu un succès auprès d’un large public. Ce même embarras ne semble pas avoir gêné Dominique Pagnier, auteur de l’ouvrage qui repose sur le parcours personnel de l’écrivain. Le début se présente presque comme une enquête journalistique. Dominique Pagnier retrace le parcours ouvrier des parents et des grands-parents de Bobin dans l’univers sidérurgique du Creusot du milieu du XXe siècle. Là où ces derniers forgeaient l’acier, écrit Pagnier, Christian Bobin apprendra à forger des phrases. Et d’ajouter, citant Bobin, les années de guerre étant encore vives à la mémoire, que ce dernier était né dans un berceau en forme de demi-obus. Pour justes que soient ces métaphores, elles teintent d’emblée notre lecture d’une intention déclarée de rapprochement recherché entre la vie et l’œuvre, et force est d’admettre que ce rapprochement n’enrichit pas nécessairement notre connaissance de l’œuvre, bien au contraire. Là où la magie de l’écriture opère, les explications données pour lever le voile sur les sources d’inspiration en affaiblissent le plus souvent la portée. Lorsque disséquées et mises à nu, la légèreté et la gaieté perdent de leur pouvoir d’enchantement. En s’appuyant sur des extraits de l’œuvre, et tout en respectant la chronologie des parutions, on remonte ainsi le cours du temps, des années d’apprentissage aux années de reconnaissance, en révélant au grand jour les sources d’inspiration. Comme s’il s’agissait d’indices semés tout au long du parcours.

    On apprend ainsi que Christian Bobin, enfant agoraphobe pour qui l’école représentait un univers d’incompréhension, vivra longtemps en compagnie de ses parents dans une maisonnette située au 20, rue du Quatre-Septembre. La relation avec son père s’avère chaleureuse et affectueuse ; celui-ci lui offrira Les illusions de Rimbaud lorsqu’il se rendra compte que la littérature représente tout pour son fils. Les liens qu’il entretient avec sa mère demeurent plus secrets, voire énigmatiques. Cela a peut-être à voir avec la présence de la grand-mère maternelle, source de tension familiale, qui sera plus tard internée dans un asile pour aliénés. C’est sans doute ce qui l’amènera à comparer la cellule familiale à un bunker ! De ses frères et sœur, peu de choses sont portées à l’attention du lecteur. On apprend par la suite que Christian Bobin a enseigné le catéchisme durant deux ans, qu’il étudiera la philo à Dijon, où il se liera d’amitié avec Laurent Debut qui éditera son premier livre4 sera aide-infirmier pendant dix jours dans un hôpital psychiatrique avant d’être remercié après qu’on lui eut reproché d’être trop proche des malades. Il travaillera enfin, à l’instar de Borges, dans une bibliothèque avant d’accepter un poste à mi-temps à l’Écomusée du Creusot, qui veut valoriser le patrimoine sidérurgique de ce coin de pays. Même s’il trouve quelque intérêt dans ce dernier poste, tout travail rémunéré ne représente que mensonge et perte de temps aux yeux de Bobin, qui écrira dans Souveraineté du vide : « [J]e suis, comme tout un chacun, soumis à ce mensonge obligé d’un travail, à cette considérable perte de temps, de vie ». On peut toutefois penser que certains mensonges ont moins porté à conséquence que d’autres dans son parcours.

    La section consacrée à celle qu’il nommait sa sœur de lait est au cœur de plusieurs titres que publiera Bobin, dont L’inespérée, Isabelle Bruges, son premier roman, et La plus que vive. Figure phare dans l’œuvre de Christian Bobin, Ghislaine Marion incarne la fascination, l’idéalisation de ce dernier pour la figure maternelle. Mère de trois jeunes enfants, Ghislaine vient en quelque sorte combler la perte de la mère de Bobin. « Les adeptes de la psychologie des profondeurs, écrit Dominique Pagnier, diront qu’il y a dans cette fascination pour la figure maternelle la réponse à un manque affectif de la petite enfance. » Qu’on soit ou non adepte des analyses psychologiques, tout concourt à nous proposer cette lecture. On comprend mieux l’atterrement de Christian Bobin lorsque Ghislaine est emportée par une rupture d’anévrisme. S’ensuivra une période difficile durant laquelle les critiques jugeront sévèrement les parutions qui suivront, ce qui amène l’auteur du présent livre à écrire : « Il semble que Ghislaine ait emporté avec elle la densité aveugle qui caractérisait les livres de Bobin jusqu’alors ». Ce qu’il ne nous appartient toutefois pas de juger dans le cadre du présent article.

    Les liens incessants entre la vie et l’œuvre de Christian Bobin finissent toutefois, comme nous l’avons souligné, par porter ombrage à l’œuvre elle-même. Comme l’écrit Bobin, « l’écriture est un commerce entre la vie et la mort ». Le dire, en recourant à des formules fulgurantes dont il a parfois le secret, suffit amplement à inviter le lecteur à se faire sa propre idée, à créer ses propres liens à partir de son expérience personnelle. L’œuvre de Christian Bobin mérite qu’on s’y attarde, voire qu’on y revienne parce qu’elle ne se livre pas toujours à la première lecture. Mais à trop vouloir sonder chaque recoin de l’arrière-pays, le voyageur n’en retire souvent qu’une impression tronquée.


    1. « Christian Bobin : Écrire, seulement », Nuit blanche, no 78, juin 2003.
    2. La part manquante, Gallimard, 1989.
    3. Dominique Pagnier, L’arrière-pays de Christian Bobin. Les êtres, les lieux, les livres qui l’inspirent, préface de Lydie Dattas, L’Iconoclaste, Paris, 2018, 295 p. ; 39,95 $.
    4. Lettre pourpre, Brandes, 1977.

     

    EXTRAITS

    Si l’œuvre de Bobin est parfois critiquée, c’est parce qu’elle révèle au monde sa futilité. Raillé par des critiques qui parlent de « sa petite voix stupide » ou recommandent de le mépriser, il rit de bon cœur quand on le traite de « ravi de la crèche », disant : « C’est trop d’honneur, je suis seulement l’âne ! »
    p. 114

    À partir du Très-Bas et d’autres livres, les tirages et les prix ont donné l’image d’un écrivain plus populaire, image qui ne correspond plus aux attentes de sa chapelle. On lui a aussi reproché de trop écrire, de trop publier. S’il écrit tant, ce n’est pas pour garnir plus qu’un autre les tables des libraires, mais pour ne pas mourir.
    p. 185

    Le rire de Bobin a un accent creusotin, c’est peut-être le seul rire creusotin qui existe, et à ce propos il serait bon qu’un jour on en notât les modulations, l’intensité et les harmoniques. Celui-ci fonctionne comme une métallurgie. Ça commence normalement, puis ça chauffe, très vite ça rougit…
    p. 260

    Quand le malheur sera mort, nous irons nous promener sans plus jamais dormir.
    p. 245

     

     

  • George Orwell immortel

    George Orwell immortel

    « On a peine à croire, s’étonnait Simon Leys en 1984, qu’il y a déjà trente-quatre ans qu’Orwell dort dans son petit cimetière campagnard. Ce mort continue à nous parler avec plus de force et de clarté que la plupart des commentateurs et politiciens dont nous pouvons lire la prose dans le journal de ce matin1. »

    Plus de 35 ans après le constat de Leys, tout indique que la pertinence de George Orwell demeure inentamée. Les invités de l’émission du 23 septembre 2020 de Plus on est de fous plus . . .

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  • Jeu et conjecture. Deux registres de Walter Tevis

    Jeu et conjecture. Deux registres de Walter Tevis

    Le succès remporté par la minisérie Le jeu de la dame sur Netflix, basée sur le roman éponyme de 1983, a remis au goût du jour le nom de cet auteur dont l’œuvre – six romans et un recueil de nouvelles – avait déjà donné lieu à trois adaptations cinématographiques majeures.

    On pensera d’abord au roman L’arnaqueur (1959) et à sa suite La couleur de l’argent (1984), inspiration derrière les films de Robert Rossen (1961) et de Martin Scorsese (1986), mettant . . .

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  • Plus loin que ce qui commence

    Plus loin que ce qui commence

    Il existe des lieux que l’on rencontre comme s’ils faisaient partie de nous. Déclaration d’amour infini pour la Basse-Côte-Nord et ses habitants, ce généreux livre de poèmes brosse le portrait d’espaces vastes où la poète trouve une partie d’elle-même et ouvre les bras grands vers l’autre.

    Noémie Pomerleau-Cloutier s’est promenée, « ballotée d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre », jusqu’à ce qu’elle se pose sur les rives de la Côte-Nord, à presque . . .

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  • Le rêve des rêves

    Le rêve des rêves

    Tu dis que le rêve n’a pas d’introduction ?

    Le 4 avril 2021. Aujourd’hui mon frère est mort. Je sais, cela ressemble à une célèbre phrase. Voici quand même un court hommage pour un homme sage qui ne faisait que passer… tout comme mon ego toujours à zéro s’égosillant un peu trop. Avant de trépasser, mon frère aîné pensait à moi dans des moments chargés d’ombres et d’essoufflements.

    Il vivait un rêve perpétuel, le seul qui ne fait jamais souffrir quand nous quittons la . . .

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  • Sur le racisme. Dany Laferrière, Deni Ellis Béchard, Natasha Kanapé Fontaine

    Sur le racisme. Dany Laferrière, Deni Ellis Béchard, Natasha Kanapé Fontaine

    Il y a cette chanson de Billie Holiday, dure, poignante, dans laquelle elle évoque de sa voix plaintive et si caractéristique les arbres du deep south américain. Au bout de leurs branches, raconte-t-elle, pendent des fruits lourds, doucement bercés par la brise chaude. Puis, tandis que résonnent les lamentations d’une trompette, on comprend que ces « étranges fruits » n’en sont pas vraiment, qu’ils représentent en réalité des corps noirs au visage tordu, pendus au bout d’une corde.

    Subitement, le tableau idyllique de Lady Day tourne . . .

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  • Éradication des Ouïghours en Chine : insoutenable témoignage

    Éradication des Ouïghours en Chine : insoutenable témoignage

    Après avoir été condamnée à sept ans de réclusion dans un camp de rééducation en Chine, la Ouïghoure Gulbahar Haitiwaji est aujourd’hui libérée. Elle raconte l’enfer qu’elle a vécu à la journaliste française Rozenn Morgat et toutes deux en signent le récit dans Rescapée du goulag chinois1.

    Vivant à Paris depuis 2006, Gulbahar Haitiwaji a été arrêtée à la fin de 2016, dès le moment où elle a posé le pied sur le sol chinois. Elle répondait pourtant à une demande expresse . . .

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  • La misogynie, une traverse vers la misandrie ?

    La misogynie, une traverse vers la misandrie ?

    Le mot est né en 1812. La défiance, le mépris, voire la haine à l’endroit des femmes et du féminin englobés sous le vocable misogynie sont, eux, millénaires.

    Sur la pierre d’assise de la mythologie gréco-romaine et ses déesses de la mort, du feu, du vol, de la jalousie aussi (Héra), de la domination des prêtres qui se châtraient (Cybèle), ou encore de la cruauté absolue (la très polyvalente Médée, fratricide, régicide, homicide et infanticide), s’écrit une histoire aux mille répercussions.

    Se doute-t-on quand on fait usage, par exemple, de l’expression « aller de Charybde en Scylla » que sont convoqués des corps de jeunes filles prédatrices aux visages animaliers qui dévorent et dont on ne retient que le caractère terrifiant ? Quand Pandore, la première femme dans la mythologie grecque, ouvre la boîte que l’on sait, elle voue l’humanité à tous les maux et malheurs du monde, soit « la vieillesse, la maladie, la guerre, la misère, la famine, la folie, la tromperie et le vice ». Le savions-nous ? Selon Adeline Gargam, autrice et spécialiste des Lumières, et Bertrand Lançon, professeur émérite d’histoire romaine1, Pandore se trouve à la racine de la misogynie occidentale, car la figure biblique d’Ève porte de moindres stigmates.

    Cela étant, les femmes bibliques n’en ont pas moins sculpté la conscience humaine en déterminant des références culturelles profondes, telles la trahison féminine de l’homme aimé (Dalila et Samson), la source de l’immoralité et de l’idolâtrie (Jézabel) ou la responsabilité du tout premier martyr (Hérodiade et Jean Baptiste), ou encore le mal et la lascivité (Salomé). Œuvres poétiques et opératiques, filmiques et littéraires s’en repaissent et leur ont fait un sort sans fléchir jusqu’à nos jours.

    Religieux, philosophes et scientifiques à l’unisson

    La science a déjà bien intégré les leçons de la mythologie et des religions quand Galien, médecin héritier d’Hippocrate, établit aux IIe et IIIe siècles que l’homme est de tempérament chaud et sec, donc supérieur, la femme, froide et humide, donc, vous l’aurez deviné, inférieure. Cette idée incrustée par les bons soins de Platon et de son disciple Aristote traversa le Moyen Âge et la Renaissance jusqu’au XVIIe siècle, alors que perce une légère éclaircie sans toutefois libérer « la femme des a priori négatifs à l’égard de sa débilité ontologique ». Aux humeurs invalidantes attribuées à la femme s’est substituée sa complexion nerveuse et osseuse qui toujours imprime « une faiblesse extrême de son corps, son cœur et son esprit ». La suite imposera la différenciation de la boîte crânienne, qui rend la femme inapte à la méditation, à l’abstraction et à la création. Si la seconde moitié du Grand Siècle a corrigé ces biais anatomiques, la femme demeure inféodée à la différence, infériorisante toujours, et à l’éternelle hiérarchie du masculin dominant et du féminin assujetti. La modernité n’y a rien changé.

    En définitive, la mythologie gave et muscle l’infrastructure des religions, de l’histoire, des cultures, des sciences, et leur charge exponentielle sur la psyché collective demeure accablante. Comment y faire contrepoids ? Existe-t-il un antidote à ce poison ? Le sous-texte des deux essayistes révèle le squelette de la misogynie occidentale composé d’arguments fallacieux, de démonstrations alambiquées, de rhétoriques offensant la stricte réalité. La gynéphobie pérenne des cultures orientales (on se rappellera l’un parmi les édifiants proverbes arabes : La fille, soit elle se trouve un homme, soit elle se trouve un tombeau) n’y est pas traitée ni ne fait état de son empreinte sui generis et de son amalgame en Occident.

    Bien qu’ils soient reconnus, les rares courants philogynes n’y sont pas abordés non plus. L’amour courtois, la fin’amor des XIIe et XIIIe siècles, celui où l’amant ne peut rien obtenir sans l’accord de sa dame, en est une illustration qui fait presque rêver, aujourd’hui, devant l’ubiquiste étalage pornographique. Gargam et Lançon décodent à cet égard que même les arts chorégraphiques « se sont faits de plus en plus pornographiques, sans forcément porter la conscience d’œuvrer au cœur d’un vaste marché ». Par l’esprit et le processus mercantiles qui les noyautent toutes, nos sociétés occidentales sont devenues des sociétés sadiennes, conjecturent-ils.

    Une antiquité indémodable

    Pendant plus de deux mille ans, philosophes, Pères de l’Église, théologiens, médecins ont relayé le même credo. La femme est un homme manqué (Platon, IVe siècle av. J.-C.) ; […] au-dedans d’elle ne contient de vie et de durable qu’une cargaison, un magasin, un entrepôt, un marché de toutes les malpropretés, toxiques et poisons (Giordano Bruno, XVIe siècle) ; […] une femme était assez savante quand elle savait faire la différence entre la chemise et le pourpoint de son mari (Montaigne, XVIe siècle) ; les femmes qui écrivent ne sont plus des femmes (Barbey d’Aurevilly, XIXe siècle) ; les femmes envient le pénis des hommes (Freud, XXe siècle).

    Histoire de ne pas trop déprimer, songeons qu’en son XVIIe siècle François Poullain de La Barre défendait contre vents et marées que « l’esprit n’a pas de sexe », et que filles et garçons devraient être éduqués pareillement. Les conseils du philosophe n’ont guère été suivis, car Gargam et Lançon jugent que les apports théoriques récents de la génétique, de l’endocrinologie ou des neurosciences « n’ont fait que confirmer, valider, sinon consolider scientifiquement cet irréductible dimorphisme sexuel, en élaborant de nouvelles grilles de lecture pour penser et étudier l’espèce humaine », et conforter l’infériorisation historique des femmes.

    N’en déplaise aux empêcheurs de vivre pleinement leur destin au féminin, de tout temps des femmes ont rusé ou ont contrevenu à leur quarantaine socioculturelle, et ont accédé par leur détermination aux sphères interdites. Dans toutes les époques, « il y a eu des femmes artistes, lettrées ou scientifiques », mais elles ont souvent payé chèrement cette insoumission. Si elles n’ont pas toutes été assassinées comme Hypatie d’Alexandrie, l’hostilité, la dérision, la moquerie, le rejet, la caricature ont été leur lot. Dans le meilleur des cas, elles étaient tolérées et perçues comme des « anomalies génétiques ».

    Riposte sans appel

    Les hommes qui se complaisent encore – ils seraient nombreux – dans cette idée du féminin inférieur sont condamnés à des relations hâves, mutilées bien souvent, avec le sexe qui n’est pas le leur. Sur la foi de cette mathématique, seule l’homosexualité masculine serait valide et égalitaire, ce qui n’est guère réjouissant pour la majorité des humains. Dès lors, en serait-il de l’amour entre hommes et femmes comme de l’inégalité des sexes, seraient-ce des voies parallèles qui ne se rencontrent jamais ? L’écrivaine et militante Andrea Dworkin ne s’y trompait pas en résumant le climat de notre démocratique époque : « Je pense que de nombreuses femmes résistent au féminisme parce que c’est une agonie d’être pleinement conscientes de la misogynie brutale qui imprègne notre culture, notre société et toutes nos relations personnelles ».

    Au carrefour où le féminin et le masculin s’entrelacent dans une union délétère, le mouvement planétaire #MoiAussi est la riposte sans appel contre la vétusté du système misogynique que même la pandémie que l’on sait n’est pas parvenue à freiner. La conscience toujours plus aiguisée de l’apartheid sexué de notre monde a d’ailleurs engendré le mot misandrie, qui désigne la haine du sexe masculin ; il voit le jour dans les années 1970, et s’il apparaît dans les dictionnaires depuis peu, l’usage courant ne l’a pas retenu. Pas encore. Une chose qui n’est pas nommée n’existe pas. Le XXe siècle a néanmoins donné au vocabulaire des mots qui font surgir une réalité fâcheuse. « Sexisme, machisme et phallocratie relèvent du concept global de misogynie, qui les embrasse tous trois. » Les mots préservatifs qui édulcorent la réalité jusqu’à sa disparition sont pléthore de nos jours. Pied de nez à la frilosité ambiante, le XXIe siècle a admis, 30 ans après le massacre de Polytechnique, la réalité du féminicide. « Or, les statistiques criminelles ont fait apparaître récemment que les homicides perpétrés sur les femmes étaient assez récurrents et nombreux pour constituer un homicide spécifique, au même titre que les infanticides. »

    Ouvrage d’analyse et de référence de haute qualité, mais non dépourvu de répétitions et coiffé d’un épilogue déroutant, Histoire de la misogynie brosse un riche et savant panorama de la prégnance de ce phénomène aussi vieux que l’humanité. Plusieurs thèmes discutés le sont remarquablement. Pour n’en souligner qu’un, celui de la langue française intitulé Le lexique et la syntaxe comme reflet d’un ordre androcentrique. En revanche, les observations sur les XXe et XXIe siècles n’ont pas la profondeur de celles recueillies sur toutes les autres époques, laissant supposer que la modernité leur était moins familière. Bien que ce ne soit pas l’objet de la recherche, notons-le, l’essai ne répond pas aux causes de l’abîme que la misogynie a créé, même s’il révèle, en creux, « l’ampleur des craintes et terreurs masculines envers la féminité et la femme ». Et qu’on le sache, cette histoire ne se lit pas comme un roman.


    1. Adeline Gargam et Bertrand Lançon, Histoire de la misogynie. Le mépris des femmes de l’Antiquité à nos jours, Arkhé, Paris, 2020, 348 p. ; 36,95 $.

     

    EXTRAITS

    Jamais la misogynie n’a été autant dénoncée et mise en péril que ces dernières années.
    p. 10

    Le monde des lettres devint alors un terrain dont les hommes se sont faits jalousement les gardiens, osons même les cerbères ; il fut pour les femmes qui eurent l’audace d’écrire et de publier un monde sans pitié où l’esprit fielleux leur jeta un discrédit mortel.
    p. 248

    La pathologisation [chez la femme] est un des vecteurs sournois de la misogynie, car elle retourne en maladie ce qui est considéré comme une force chez l’homme (colère, abnégation, rébellion, action spectaculaire).
    p. 275

    Dominer et tuer les femmes, les faire disparaître : tel est le noyau dur de la misogynie, tel qu’il apparaît dénudé, lorsque les enduits de la civilisation se fissurent.
    p. 294

  • [Mary Shelley, Frankenstein et nous] De l’amour et des restes posthumains

    [Mary Shelley, Frankenstein et nous] De l’amour et des restes posthumains

    Deux siècles se sont écoulés depuis la première traduction française de Frankenstein1. Rédigée en 1816 par une Mary Shelley à peine âgée de dix-neuf ans, l’œuvre relate la création, par le jeune savant suisse Victor Frankenstein, d’un être vivant à partir de fragments de cadavres. À en croire la romancière britannique Jeanette Winterson, ce canevas jugé invraisemblable et aberrant sous la révolution industrielle n’est peut-être plus aussi inconcevable à l’ère de l’intelligence artificielle.

    Figure de proue de la littérature queer au . . .

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  • Madeleine Vivan, une romancière au temps du Front populaire

    Madeleine Vivan, une romancière au temps du Front populaire

    Décédée à l’âge de 108 ans en octobre 2020, Madeleine Vivan (pseudonyme de Madeleine Dallet) est née en 1912 à Montbert, un village de la Loire près de Nantes. Elle a peu publié, mais les deux excellents romans qu’elle écrit pendant les années du Front populaire, aujourd’hui réédités, la tirent heureusement de l’oubli.

    Une maison (1936) et Village noir (1937) parurent à l’origine aux éditions Rieder, dont le catalogue, marqué par un humanisme pacifiste et internationaliste, valorisait les témoignages . . .

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  • Clarice Lispector. La fille de Pinkhas*

    Clarice Lispector. La fille de Pinkhas*

    Traduit de l’espagnol par Audrey Damas

     

    Le 10 décembre dernier marquait le centenaire de la naissance de l’écrivaine brésilienne Clarice Lispector. Toujours empreinte d’élégance, à la fois mélancolique et énigmatique, son écriture, au-delà des modes et des étiquettes, demeure inclassable.

    Élevée au rang de mythe, sa prose novatrice et poétique nous transporte dans une atmosphère comparable à celle de la recherche mystique authentique, où le regard se tourne vers l’intime, dans une profonde introspection, pour tenter de trouver l’universel. Borges définissait le fait . . .

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  • Les 50 ans des Écrits des Forges. Tous les temps du poème

    Les 50 ans des Écrits des Forges. Tous les temps du poème

    L’anthologie 50 ans de poésie 1971-20211, préparée par Bernard Pozier, vient souligner le travail exceptionnel des Écrits des Forges, une maison d’édition de Trois-Rivières consacrée uniquement à la poésie. Un demi-siècle d’écriture que l’on nous présente à juste titre comme des extraits d’un important catalogue.

    Il est impossible, dans ce genre d’exercice, de donner à lire tous les poètes publiés. On pourra tout de même, avec bonheur, y lire, selon la formule « un poète, un poème . . .

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  • De la pédo-apologie à la pédocriminalité. Vanessa, Camille, Eve

    De la pédo-apologie à la pédocriminalité. Vanessa, Camille, Eve

    Aujourd’hui, ce sont Olivier Duhamel, Richard Berry, Peter Nygård. Hier, Gabriel Matzneff, Jeffrey Epstein, Bertrand Charest, R. Kelly. D’autres. Ce que ces hommes souvent connus, toujours influents, ont en commun est une accusation ou une condamnation pour pédocriminalité. Trois femmes témoignent de leur histoire respective.

    L’Hexagone vit désormais à l’heure avancée de l’Amérique, et son rattrapage est fulgurant. Trois ans après la fin de la récréation pour les agresseurs sexuels aux États-Unis et au Canada, après un trop bref et controversé #BalanceTonPorc, les . . .

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  • Mon bureau de granit

    Mon bureau de granit

    Extrait d’un récit sur la Bibliothèque de survie à paraître à La Peuplade en octobre 2021.

    Au gré des saisons, le Livre me paraît un compagnon vivant. Il possède un squelette, un système narratif central, des fluides thématiques, une somme de petits détails qui ne sont qu’à lui. J’ai imprimé des pans de manuscrit comme autant d’îles que je façonne. J’apprivoise le corps du Livre, celui qui croît et m’échappe. Quand je m’ennuie devant le clavier, je décrète des séances buissonnières. Sur l’île aux Petits Atocas, une excroissance de granit me tient lieu de bureau. Le rocher presque plat, sans trop de failles, s’avère un emplacement de choix pour travailler. Pas de cartes d’affaires, ni de plaque indiquant mon titre de « Bibliothécaire de survie en chef ». Rien que des outils mobiles. Mon carnet, mon thermos, ma petite hache. Des motifs mobiles aussi. Réviser, écrire, rêvasser. Aujourd’hui, l’île voit sa touffe de pins caressée par les vents, son anse sourit sous les vagues. Par-delà les autres îles, le panorama vaporeux des Laurentides ne demande qu’à se raconter. Les nuages qui naviguent tamisent l’éclairage. Comme le vent a la patte rude dans les environs, mieux vaut privilégier les journées de brise. Avec un peu de pratique et d’endurance, j’arrive à bosser pendant une heure – un tel banc a le pouvoir de vous aplatir le grand fessier… De toute façon, c’est la durée prescrite pour garder l’esprit vif.

    glisser comme un nuage
    chaque pas chancèle
    dans le gros gravier

    Mon bureau noir ne tolère pas les lignes trop régulières de la prose. Il m’incite à suivre les courbes vivantes du paysage. Celle de l’anse où repose mon canot. Celles de l’eau douce, qui clapote. Celles, hérissées et fuyantes, des pins gris quand ils se balancent. Des touches vibrantes et sans ratures. À force d’écrire, le granit même roule au cœur de la page. Quand manque l’inspiration, une bibliothèque se tient tout proche. Je me demande ce que mon grand-père dirait de mon emploi du temps, lui qui a trimé si dur sa vie durant. Il travaillait à la carrière du village. Le Granit national. Là-bas vivaient le labeur et la misère. Pendant quarante ans, pour un salaire de presque rien, mon grand-père s’est rempli les poumons de poussière noire à n’en plus pouvoir respirer. Dans les bronches, l’immuable granit fait plus de ravage que sous mon fessier. Que penserait cet homme sévère en me voyant contempler la pierre ? Je me sens en devoir de lui répondre. Je suis un rêveur de compétition, grand-papa. Mon travail est de donner vie à des rêves de lettres. Je meuble un Musée Moi avec l’intuition dont je suis capable. C’est loin du concevable, du tangible, de l’utile. Une occupation de luxe, où je traite la survie avec la nonchalance d’un enfant comblé. Je suis poète, cher Jean-Charles. Et je navigue parmi les choses sans trop m’y enfoncer. Le granit n’est pas si lourd quand on le fréquente où il dort, dos arrondi, embelli de lichens et veiné de petits atocas. Il n’empoussière pas l’intérieur. Ce n’est qu’un outil de plus dans la patiente révélation du monde. Même déraisonnable, je reste lucide. C’est grâce à votre labeur de journalier que je suis ici. Que j’œuvre à mes lignes. Mon bureau de granit, vous l’avez payé cher. Pour que je l’utilise au gré de mes inspirations. Libre de ce qui a été et de ce qui sera. Assis sur mon rocher, je fais le souhait que vous comptiez parmi les lecteurs célestes qui recevront ces lignes.


    Photographie de Charles Sagalane par Sophie Gagnon-Bergeron

  • Jamais presque pas encore lu

    Jamais presque pas encore lu

    Écoutez ici la version audio de ce texte lu par Daniel Luttringer

    J’ai tout lu. Héritier de Bouvard et Pécuchet, diront certains. Pour autant, l’esprit ne me tourne pas au vent comme un Quichotte. C’est que je ne lis pas pour retenir. Je ne lis pas pour détenir non plus. Je ne lis que pour lire. Quand je songe au . . .

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  • Robert Lalonde : célébrer la menace et la splendeur

    Robert Lalonde : célébrer la menace et la splendeur

    Dans la nuit du 26 décembre 2018, un incendie a entièrement détruit la maison de Robert Lalonde. Sa conjointe et lui se sont retrouvés, comme au premier jour, seuls et nus dans la nuit. L’illustration qui apparaît en couverture de son dernier carnet évoque éloquemment la fureur des flammes dévastatrices.

    Au-delà de la destruction, du sentiment immense de perte éprouvé à la suite de cet incident tragique, il faut surtout retenir la volonté et le courage de (se) reconstruire, ce que traduit le titre, La reconstruction du paradis

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  • Bret Easton Ellis ou le refus de la conformité

    Bret Easton Ellis ou le refus de la conformité

    La sortie synchrone de White et de l’édition « collector » d’American Psycho permet d’opposer deux Amérique : celle des années 1980, de la génération X, et celle des années 2000, des milléniaux – la « génération dégonflée » (Generation Wuss), comme l’appelle tendrement Ellis ; les États-Unis à l’ère de l’analogique et de l’administration Reagan, et les États-Unis à l’ère du numérique et de l’administration Trump. Quand l’observateur s’appelle Bret Easton Ellis, le regard se fait pointu . . .

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  • Roberto Bolaño. Œuvres complètes I

    Roberto Bolaño. Œuvres complètes I

    Lire des œuvres complètes aux fins d’une recension, comme il est possible de le faire grâce à ces collections du type « Bouquins » (Robert Laffont), « Omnibus » (Presses de la Cité) ou « Quarto » (Gallimard), offre une expérience particulière : si le livre usuel se déploie sur un espace complet, ces assemblages (1 227 pages dans ce cas-ci) donnent plutôt l’impression d’une route sur laquelle chaque pas, chaque texte répond à une finalité plus grande, s’inscrit dans un horizon plus vaste.

    À moins de mettre au frais pareil bouquin et d . . .

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  • France Daigle. « Je ne connais pas les règles du roman et je m’amuse à les inventer »

    France Daigle. « Je ne connais pas les règles du roman et je m’amuse à les inventer »

    « Les fictions de France Daigle permettent la représentation d’une Acadie moderne, dégagée des clivages anciens et dont le sens reste ouvert » ; ce commentaire de Raoul Boudreau, paru dans un dossier que consacrait la revue Voix et images1 à Daigle en 2004, souligne l’importance de cette œuvre dans la littérature acadienne, mais il faut également noter, comme le font d’autres universitaires, que cette œuvre est l’une des plus importantes de la francophonie canadienne. Les trois volumes2 de la collection « Bibliothèque canadienne-française » (BCF) redonnent accès . . .

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  • Gabrielle Filteau-Chiba, pour un monde plus viable

    Gabrielle Filteau-Chiba, pour un monde plus viable

    Le troisième roman de l’écrivaine des bois réconcilie le vieil humaniste en moi avec Anouk Baumstark, la femme renarde, personnage central de récits profondément engagés envers l’environnement. Retour sur la trilogie du Kamouraska.

    Les romans Encabanée1, Sauvagines2 et Bivouac3 sont nés dans la foulée d’un geste radical, marquant à la fois une rupture et une réconciliation. L’impulsion première de cette palpitante trilogie romanesque n’était pas pour Gabrielle Filteau-Chiba . . .

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  • Retourner le temps. Entretien avec Catherine Leroux

    Retourner le temps. Entretien avec Catherine Leroux

    Dans L’avenir, l’autrice nous transporte à Fort Détroit, une version imaginaire de Détroit où la population aurait conservé l’usage du français. Cet entretien1 a été réalisé dans le cadre de l’édition 2021 du Festival Frye de Moncton.

    Patrick Bergeron : En plus de vos activités d’écrivaine, vous êtes traductrice chez Alto. Jusqu’à quel point votre travail de traductrice est-il facilité par celui de romancière ?

    Catherine Leroux : Je sais qu’il y a des traducteurs auteurs, comme Dominique Fortier, capables de faire les . . .

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  • En cas d’urgence, lisez ou comment je suis devenue bibliothécaire de survie

    En cas d’urgence, lisez ou comment je suis devenue bibliothécaire de survie

    15Je fréquente la bibliothèque depuis toujours, il me semble ; du sous-sol qui l’abritait à Jonquière quand elle était comme une caverne d’Ali Baba pour mes yeux petits jusqu’aux épinettes de la grande Alice-Lane de Baie-Comeau, souvent épiée de ma fenêtre du troisième. Il me suffisait de traverser la rue pour y aller ; c’est là que j’ai rencontré Marie Laberge (photographiée pendant qu’elle signait) et Gabrielle Roy (empruntée la première dans la section adulte), c’est là que tout devenait possible : vivre, écrire, conna . . .

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  • Le Noir et le Blanc : quelques nuances d’antiracisme

    Le Noir et le Blanc : quelques nuances d’antiracisme

    George Floyd serait-il mort en vain ? Des événements récents indiquent que le temps semble vite avoir enterré son souvenir. Cet automne, Michel Zecler a été passé à tabac dans son studio parisien par des policiers ponctuant de « sale n**** ! » leurs salves de coups à son endroit. Au début du mois d’octobre, c’est le décès de Joyce Echaquan qui a choqué le Québec. Une vidéo virale montre l’Atikamekw de Manawan, mère de sept enfants, quelques minutes avant qu’elle ne meure à l’hôpital de Joliette. Les employées à son . . .

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  • Émilie Turmel. Ces espaces où tout flambe

    Émilie Turmel. Ces espaces où tout flambe

    Dans son premier livre, Émilie Turmel empruntait ces mots de Nelly Arcan : « La honte est une lignée de femmes à perte de vue, qui se boucle en cercles, en nœuds de pendu qui accouchent les uns des autres ». Avec Vanités1, la poète se penche sur l’une des femmes de cette lignée.

    Après avoir offert un livre qui dressait sa filiation littéraire, la poète s’adresse à celle qui l’a mise au monde et explore les glissements de la fille à la mère, de la m . . .

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