Il y a cette chanson de Billie Holiday, dure, poignante, dans laquelle elle évoque de sa voix plaintive et si caractéristique les arbres du deep south américain. Au bout de leurs branches, raconte-t-elle, pendent des fruits lourds, doucement bercés par la brise chaude. Puis, tandis que résonnent les lamentations d’une trompette, on comprend que ces « étranges fruits » n’en sont pas vraiment, qu’ils représentent en réalité des corps noirs au visage tordu, pendus au bout d’une corde.
Subitement, le tableau idyllique de Lady Day tourne à la vision cauchemardesque ; soudain les fruits mûrs, promesses gorgées de vie, font violemment place aux fruits pourris du racisme.
Le changement de registre est brutal. Il résume l’histoire des Amériques. Il en reprend, pour être plus juste, deux visions concurrentes. Pour les uns, une poignée d’individus « élus », le fantasme . . .
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