Ma Côte-Nord commence à Franquelin
Souvenir d’une centaine de moyacs cancanantes
Folles de vie-février dans un chorback
Puis il y a Pentecôte et sa gueule de rivière
Lieu de haute puissance pour se métamorphoser
En truite de mer ou en flétan
Dix kilomètres plus loin c’est Baie-des-Homards
Et ses masses de moules et de myes
Sans compter les crabes et les homards succulents
Vient Port-Cartier où pour la première fois de ma vie
J’ai pêché une morue qui frôlait les cent livres
Avant d’arriver à la grand-ville aux sept îles bénies
Puis aller découvrir les hallucinants embruns
Des chutes Manitou qui n’existent nulle part ailleurs
Même pas au Niagara ou à l’Iguazu
C’est ensuite Sheldrake et le souvenir majeur
De joies répandues par La grenouille et la baleine
Que grondent les cataractes et la mer agitée
De Rivière-au-Tonnerre jusqu’à Magpie
Où chaque marcheur est convié
À revivre autour d’une presqu’île
Toute une épopée nord-côtière
Lorsque cent chalutiers en 1920
S’amarraient en même temps dans la baie
Puis c’est Mingan et le pays de Rita Mestokosho
Mon amie poète au Nitassinan
Jusqu’aux îles de l’archipel qui naît à Longue-Pointe
Pour dépasser Havre-Saint-Pierre la cayenne
Là où Roland Jomphe nomma chaque monolithe
Splendeur de l’eau salée dans les veines
Combien de fois ai-je humé les brumes de Quarry
De la Grande Île et de Niapiskau
Avant de franchir la Grand-Pointe en speeder
Pour saluer la Fausse Passe et les Betchouanes
Et enfin toucher Baie-Johan-Beetz où l’artiste
Chantal Harvey fait danser la mer dans ses fenêtres
Il y a ensuite Aguanish et son Trait de Scie
Les Magasins du Galet devant Natashquan
Le pays du grand Gilles puis Nutashkuan
Au mitan de toutes palpitations innues
Jusqu’aux limites de la 138 et Kegaska
Aux cent pêcheurs d’horizon
Côte-Nord ma Côte-Nord
Dans ma tête allégée
Par tant de marées de capelans
Je n’aurais pas si bien vécu
Sans le vol des istorlets
Et par les plaquebières par millions
Dans la taïga dominée par la mer
* Chantal Harvey, La mer (détail), 2018.