Ils se sont engagés à éliminer l’utilisation du papier tiré des forêts en danger pour fabriquer leurs livres.
Yves Beauchemin, Claude Cossette, Louis Hamelin, Line Rainville et Boréal, Fides, Écosociété, entre aux, sont les pionniers d’un mouvement dans lequel culture rime avec conservation des forêts. À l’instigation d’une femme !
Ce n’est qu’un début
Elle affiche déjà des réussites et elle ne s’arrêtera pas là. Mais il ne s’agit pas d’une histoire sans fin. Disons que Nicole Rycroft continuera jusqu’à ce que les forêts anciennes menacées ne soient plus mises en péril par la demande de papier. Avec l’énergie des gens déterminés à défendre une cause plus grande qu’eux, elle est en train de faire virer vert toute l’industrie du papier au Canada. Pour ce faire, elle a créé Market Initiatives, côté anglophone, et Éco Initiatives au Québec, des organismes visant à convaincre un à un tous les acteurs de la chaîne de production de papier. Au Québec, Josée Breton, sa fidèle alliée, reprend le flambeau. Et les sirènes d’alarme environnementales ont sonné.
La stratégie de Nicole Rycroft et de Josée Breton est efficace : informer les auteurs du tragique de la situtation. Ce sont 65 % des coupes dans les forêts boréales et 40 % de celles dans les forêts pluviales tempérées qui servent à la fabrication du papier. La forêt boréale canadienne fournit environ 20 % du marché mondial de pâte commercialisée servant à la fabrication de produits de papier.De trop grandes quantités, trop rapidement : une demande insatiable du marché est en train de mener à la destruction des forêts anciennes de la planète.
La collaboration des auteurs
Dès ses premières approches au Québec, il y a moins d’une année, le discours de Josée Breton a été bien reçu. Il faut dire que le terrain n’était pas coupé à blanc. Les auteurs québécois ne se sont pas fait prier. Ils savent l’importance d’imprimer leurs livres sur du papier écologique. Comme 67 collègues de langue anglaise du reste du Canada (les Margaret Atwood, Yann Martel, Rohinton Mistry ) et 106 écrivains étrangers (Isabel Allende, Barbara Kingsglover, Günter Grass ), les Québécois Yves Beauchemin, Claude Cossette, Louis Hamelin, Line Rainville – d’autres vont suivre – sont signataires de l’Initiative de l’édition pour la protection des forêts anciennes. C’est la pierre angulaire de la sensibilisation mise en place par l’équipe. Leur coup de maître, c’est d’avoir réussi à sensibiliser JK Rowling, en 2003, donc par ricochet Raincoast Books et Gallimard, d’imprimer les millions de copies de Harry Potter et l’Ordre de Phoenix sur du papier traité sans chlore, fait à 100 % de fibres recyclées. Cette édition fut la seule dans le monde à être imprimée sur du papier qui ne provient pas des forêts anciennes. Raincoast Books décida d’en faire la publicité en mentionnant ce geste écologique dans son matériel promotionnel et dans ses livres, ce qui lui attira de nombreuses mentions dans les médias nationaux et internationaux, des éloges dans Internet, ainsi que le prix Ethics In Action.
Avant d’approcher la mère du célèbre sorcier, Market Initiatives/Écoinitiatives avait déjà contaminé Timothy Findley, Michael Ondaatje,… Alice Munro a même interrompu, à l’automne 2001, l’impression de la version anglaise de son livre Un peu beaucoup, pas du tout (Rivages) afin qu’il soit imprimé sur du papier écologique. Les auteurs occupent une place privilégiée pour sensibiliser les publics canadien et québécois, les dirigeants politiques et les chefs d’entreprise à l’importance de protéger le patrimoine naturel collectif.
Sur le terrain
Une pétition est un début, mais l’implication des auteurs entraîne celle de leurs éditeurs respectifs. Cela peut prendre la forme de remerciements dans un prochain livre ou lors d’une tournée, ou, avec le soutien de Market Initiatives/Éco Initiatives, la possibilité de passer de la parole à l’acte, en foulant du pied le sol mousseux… d’une forêt boréale par exemple. Voie choisie par certains auteurs québécois qui, encadrés par l’organisme, arpentent les forêts en danger : voir de visu pour mieux en parler. Les écrivains sont ainsi plus ou différemment conscientisés. Pour convaincre les éditeurs, mieux vaut être soi-même convaincu et ainsi boucler la boucle : une forêt de sauvée !
À ce jour, quatre-vingt-six maisons d’édition canadiennes et quinze* maisons d’édition québécoises ont formellement pris le parti de sauvegarder la biodiversité et la survie à long terme des anciennes forêts. En changeant certains éléments des produits à base de papier, ces maisons d’édition réduisent de façon substantielle leur impact écologique. Inutile de préciser que cette industrie est en train de se construire une image de marque auprès des auteurs, des libraires, des lecteurs et de la société en général.
Rien n’est achevé pour l’instigatrice de ce mouvement, Nicole Rycroft : il faut inciter à l’adoption de nouveaux modèles de consommation dans toute la chaîne d’approvisionnement de l’industrie de l’édition. Son organisme est la preuve qu’une vision peut changer la vie. Sa ténacité et son dynamisme ont été honorés du prestigieux fellowship d’Ashoka qui soutient 1700 entrepreneurs sociaux dans 60 pays à travers le monde.
Cette fois-ci, pour un meilleur avenir, une conscience sociale et environnementale souffle sur le monde de l’édition et l’industrie des journaux.
*Éditeurs verts québécois : Boréal, Fides, Écosociété, XYZ, Triptyque, Septentrion, Nota bene, Soulières, MultiMondes, Hurtubise HMH, Musée national des beaux-arts du Québec, Les Éditions Protégez-vous, Les Intouchables, Alto, L’instant même.