Cette lettre est écrite pour les femmes de Pakua Shipi, communauté innue de la Basse-Côte-Nord, rencontrées en février 2019 dans le cadre d’un projet de recherche et création de poésie anthropologique commencé en juillet 2018 dans la région.
Mon amie,
De retour en ville, je t’écris de là où le fleuve est moins large que la rivière dont ta communauté porte le nom. Mais ici, je ne peux emprunter le pont de glace et de neige compacte, à pied ou en skidoo, pour retrouver, de l’autre côté, une maison où l’accueil goûte la chicoutai. Chez toi, l’hiver est un thé chaud dans le velours bleu marin du soir.
Mon amie, les histoires dont m’ont fait cadeau les femmes de la rivière me traversent encore. L’endurance des pas sur de longs mois pour rentrer quand on vous a fait dériver très loin, le poids du trou habité par un bébé emporté pour être soigné mais jamais revenu, le dégoût et la peur des mains qui ne devaient que bénir…
Mais surtout, mon amie, me reste en tête la résilience de vos femmes. Le regard complice, les éclats de rire, les épaules bien droites, la main tendue, comme la peau du cœur, ouverte, qui donne l’odeur du sapinage sous la tente à une autre génération, une génération qui doit apprendre à parler le bois qui guérit.
Et je sais, mon amie, que c’est la force des femmes de chez toi qui tient le Nitassinan debout. Des femmes comme ta mère, tes sœurs, tes nièces, tes filles et toi.
Tshinashkumitin, mon amie.
* Lydia Mestokosho-Paradis, Ka Uapatak, 2013.
Lydia Mestokosho-Paradis, 28 ans, est née à Rivière-du-Loup. Elle a grandi dans sa communauté innue à Ekuanitshit (Mingan) sur la Côte-Nord. Titulaire d’une maîtrise en arts visuels à l’Université du Québec à Chicoutimi, elle travaille depuis 2016 comme agente culturelle à la Maison de la culture innue d’Ekuanitshit.