Si la part du patrimoine historique dans l’identité de la capitale n’est plus à démontrer, celle du patrimoine littéraire reste plus abstraite dans notre esprit. Pourtant, en 2017, quand l’UNESCO intègre Québec à son prestigieux réseau des Villes créatives de littérature, elle salue la forte vivacité du milieu actuel, ainsi que l’imposant patrimoine où se croisent artefacts livresques et lieux de vie littéraire. Le rallye Vieux-Québec littéraire, rassemblant une dizaine de partenaires culturels du quartier1, a cartographié ces trésors passés et présents pour les offrir au grand public.
Le Vieux-Québec est en soi une immense bibliothèque rare et précieuse. S’y rassemblent les lettres de Marie Guyart de l’Incarnation ; les quelque 2 800 manuscrits et imprimés du Monastère des Augustines ; les archives et la bibliothèque des Pères du Séminaire (du XIIe au XXe siècle), conservées au Musée de la civilisation ; les 500 éditions originales d’œuvres littéraires québécoises (des XIXe et XXe siècles) de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec…
Dans le quartier se sont aussi installées des librairies qui allaient profondément marquer notre paysage affectif (Crémazie, Garneau, Générale française, Pantoute, Première Issue) ; des sociétés savantes et littéraires aux collections somptueuses (Literary and Historial Society, 1824 ; Institut canadien de Québec, 1848) ; des journaux (Gazette de Québec, 1764 ; Le Soleil, 1896) et des revues littéraires (Nuit blanche, 1982 ; Les libraires, 1998) suscitant un intense bouillonnement intellectuel ; sans oublier la Maison de la littérature (2015), phare de la médiation littéraire actuelle.
Pour bien illustrer combien ce patrimoine sait défier l’oubli pour stimuler la création, dix artefacts ou lieux de vie littéraire du Vieux-Québec ont été jumelés à des poètes, écrivain(e)s et bédéistes contemporains, inspirant des textes inédits. Vanessa Bell et Anne Guilbault se penchent ainsi sur des lettres manuscrites de Gabrielle Roy et de Marie Guyart pour réfléchir aux espaces féminins de l’écriture ; devant la machine à écrire de Roger Lemelin, Simon Lambert s’interroge sur les œuvres littéraires rassembleuses ; Elizabeth Baril-Lessard, ancienne libraire chez Pantoute, y revit le sentiment de sécurité procuré par les rayons remplis d’émotions à apprivoiser ; Paul Bordeleau, client de Première Issue depuis l’adolescence, raconte l’éclosion de son métier en deux planches de bédé ; devant un canivet de l’Îlot des Palais, Andrée Levesque Sioui explore la perte de mémoire, entre oralité et écriture ; Valérie Forgues réagit à la censure après sa visite de l’exposition À l’Index ! Regards sur la censure littéraire au Québec de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec ; Mattia Scarpulla témoigne de toutes les présences silencieuses qui ont porté les livres de l’Institut canadien de Québec ; Louisa Blair souligne le paradoxe du Morrin Centre, qui abrite dans une ancienne prison l’une des plus anciennes bibliothèques anglophones du Canada ; Jean-Paul Beaumier, collaborateur de longue date chez Nuit blanche, imagine une insomnie nocturne en pleine guerre d’Ukraine, où les livres assurent protection et espoir (voir page suivante).
Cet été 2022, tous ces artefacts, ces lieux et ces textes s’exposent au grand public grâce à une application mobile ou une carte en bon vieux papier. Les partenaires du rallye seront heureux de vous accueillir en leurs murs pour poursuivre l’expérience in situ. Pour tout savoir de cette balade littéraire : rallyevieux-quebeclitteraire.ca
1. Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec ; L’Îlot des Palais ; La Promenade des écrivains ; Le Monastère des Augustines ; Librairie Pantoute ; Librairie Première Issue ; Maison de la littérature; Morrin Centre ; Musée de la civilisation ; Nuit blanche, magazine littéraire ; Pôle culturel du Monastère des Ursulines ; SDC Vieux-Québec.