SAINT-SAUVEUR LITTÉRAIRE
j’avais six ans
comme tout le monde
j’habitais sur la rue Châteauguay
j’aimais m’asseoir en bordure des choses
Michel Pleau, « Je connais trop peu le monde », Nuit blanche, no 156.
Saint-Sauveur, Saint-Sô, basse-ville de Québec. Rien à voir avec l’autre, celui des Laurentides. Pour les plus vieux, c’est le quartier des Plouffe ou encore d’Alys Robi : milieu populaire avec ses ouvriers et ses ouvrières de temps difficiles. Pour les plus jeunes qui se prennent nouvellement d’affection pour lui, c’est le quartier des espaces à verdir et des familles à faire grandir, un lieu aujourd’hui habité et animé par des gens de toutes origines et par de nombreux artistes.
Pour ce numéro, c’est celui de Charles Quimper qui signe « Le livre jamais lu » (La peste !) et de Lyne Richard (« Cette part invisible du monde ») qui s’est entretenue avec Michel Pleau, originaire lui aussi de Saint-Sauveur où il a vécu presque toute sa vie. Survol oblique d’un quartier inspirant.
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En couverture, en hommage à la grande disparue de la littérature québécoise1, une photographie de Marie-Claire Blais, par Anne-Marie Guérineau, prise durant les années 1980 lors d’une entrevue2 parue dans le dossier « Vivre ailleurs pour écrire ». « À la veille de son ultime départ, la jeune et secrète Marie-Claire Blais, du haut de ses 82 ans, n’avait rien perdu de son intensité et de sa générosité », observe Thérèse Lamartine dans « Marie-Claire Blais. À la recherche du temps disparu ».
Bloupe. Gîte. Vortex. Infini. Portés par un choix autant idéologique que stylistique, les quatre romans publiés par Jean Babineau depuis 1993 hissent le chiac au même niveau que les autres registres de langue, « abolissant la hiérarchie habituelle liée aux notions de centre et de périphérie ». D’ailleurs, le français standard est souvent parodié dans la langue babinesque. Quête identitaire, critique sociale, autodérision, inventivité… Par Chantal Richard : « Jean Babineau, romancier acadien postmoderne ».
Et quoi d’autre, dans ce numéro ? Des « Symptômes de la décolonisation dans l’essai québécois », « Un esprit remarquablement libre » (celui d’André Major), des vies ravies comme dans usurpées, volées, violées (Christine Angot et Yann Moix), une écrivaine (Maria Borrély) à redécouvrir impérativement. Entre autres…
1. Marie-Claire Blais est décédée le 30 novembre 2021 à Key West (Floride).
2. « Marie-Claire Blais. L’exil est mon royaume », entrevue réalisée par Guy Cloutier, Nuit blanche, no 28, mai-juin 1987.