Gabriel porte en lui un sérieux, un drame et une stature (autant qu’une gentillesse) qui se reflètent bien dans la démarche unique de réécriture qu’il a accomplie avec La Scouine. Mais comment révéler cela de lui ? Nous avons un peu dialogué au sujet d’Albert Laberge et de sa propre relation aux images (il plaçait des photos de lui dans ses livres, comme une façon de construire l’ethos d’écrivain qui devait lui permettre d’appartenir au monde littéraire). Je souhaitais d’une manière ou d’une autre, quoique le plus subtilement possible, rappeler la réécriture, l’existence de cet Autre en surimpression.
Les images de Laberge m’ont poussée à demander à Gabriel de s’habiller avec classe et chic. J’ai ensuite cherché pour lui un lieu à la fois beau et laid, pauvre et riche, vaste et clos. Je lui ai demandé simplement d’amener une chaise de bois. Je n’aurais pas pu le prévoir, mais la chaise que j’avais imaginée, non seulement il la possédait, mais c’était aussi sa chaise d’écrivain. Nous nous sommes installés dans le champ, et le jeu avec la chaise s’est développé naturellement chez Gabriel. Je l’ai compris seulement après, mais cette chaise, c’est aussi celle de l’autre écrivain ; c’est ce siège, cette place que Gabriel s’est permis de prendre.
J’aurais voulu des lumières de paix du soir, d’une douceur infinie. Je n’avais pas le luxe du contrôle de la météo, et pourtant. Un orage a foncé vers nous tout en laissant filtrer des éclaircies de soleil, par des pieds de vent. L’ambiance pesante et intense me semble a posteriori tout à fait cohérente et convenable. J’espère qu’elle l’est pour vous, lecteurs de Nuit blanche.