Sept oiseaux comme les sept jours qui ont vu à la création du monde, à la découverte et à la promesse de l’aube sans cesse renouvelée. Sept oiseaux comme autant de leçons de vie, de moments d’apprentissage où, immobile et aux aguets, un jeune homme cherche à débusquer, à comprendre, à saisir ce qui sourd des forces telluriques qui l’entourent, de l’instant qui appartient à notre condition de mortel tout autant qu’à notre désir d’immortalité, de ces forces obscures qui sont à la fois plus grandes que nous et qui tiennent au cœur de la main, qui irradient la pupille frémissante. Sept oiseaux comme autant d’envolées et de désir de liberté, de moments d’intensité, de communion partagés avec le père, image ici plus grande que nature, tout entière taillée dans la robustesse et la chaleur d’une présence pérenne, dans la fierté qui se reflète dans le regard ébahi du fils. « Mon père n’est pas un homme, mais un grand échassier buveur de nuit, soûl de savoirs multiples, qui invente la vie, parfumant l’air d’un grisant effluve de tabac et de foin coupé. » Sept oiseaux comme un bestiaire offert en toute simplicité, où chacun livre son secret avant que de disparaître dans de grands cris d’épouvante afin que le charme et l’enchantement puissent se produire de nouveau, tantôt dans une baie crépusculaire, tantôt dans le grand pré au pied de la montagne, tantôt dans le hangar ou dans les fougères, dans la talle de roseaux ou dans ce ciel inquiétant qui menace à tout moment d’éclater au-dessus de nos têtes.
Accompagné d’illustrations de René Derouin, dont les tons de rouille, de sépia et de noir épousent au plus près le corps du texte de Robert Lalonde, dont l’unité chromatique s’accorde à merveille au « haut fait surnaturel surgi comme un coup de vent », ce bestiaire à quatre mains nous plonge au cœur de la vie qui bat. La forme et le matériau ici utilisé de papier collé en prolongent tout à la fois la profondeur et la légèreté. Sept oiseaux, mon père et moi1 se révèle un véritable hymne à l’enfance, l’enfance telle qu’on la souhaiterait pour tous : libre de toute contrainte, tout entière dédiée à la découverte de soi et du monde, à l’exploration de l’un et de l’autre qu’une vie ne parviendra pas à épuiser. Hymne également au père, gardien et révélateur des mystères du monde, passeur d’une sagesse qui ne s’apprend qu’avec les yeux, qu’avec le cœur. Hymne enfin à la vie et à ce qu’elle recèle d’inépuisable : « Énigme encore, qui me lance aussitôt, aveugle, dans le lointain printemps de mon avenir, où m’attendent une confusion de mots et de gestes et surtout l’autre, l’espéré, l’inattendue, qui un jour va m’encercler, soupirer, se taire et me défier ».
Il faut ici saluer le travail soigné des éditons d’art Le Sabord qui ont su réunir deux créateurs dont chacun nourrit et prolonge la quête de l’autre, dont l’amalgame produit un chant de haut vol.
1. Sept oiseaux, mon père et moi, illustrations de René Derouin, Éditions d’art Le Sabord, Trois-Rivières, 2012, 44 p. ; 10 $.