Ne sous-estimons jamais la littérature destinée aux jeunes. Elle transmet efficacement rêves et ambitions, elle fournit des amitiés aux solitaires, elle jette des passerelles entre la science et le mythe. Preuve en est offerte dans cette cuvée.
Beauté et fantaisie
UNE PETITE OIE PAS SI BÊTE
Caroline Jayne Church
Albin Michel, Paris, 2005, 32 p. ; 18,95 $
Parce qu’elle préfère la boue et l’ombre à la propreté et au soleil, la petite oie encourt les moqueries de ses semblables. Comment peut-on préférer le gris au blanc immaculé ? Quand surgit le renard, c’est pourtant la vilaine qui passe inaperçue. Surprises et un peu jalouses, les autres oies tirent profit de la leçon. Elles se précipitent donc dans la boue… au moment même où la neige commence à tomber. La petite oie astucieuse, au contraire, quitte alors sa mare salissante et veille à ce que son plumage redevenu blanc se fonde dans le décor hivernal. Le renard, une fois de plus, ne la voit pas. Dessin stylisé et moqueur, leçon subtile. Un coup d’œil au dictionnaire aurait permis d’éviter la substitution d’un inexistant « candarder » au cacardage attendu.
PLOUK LE RATON LAVEUR QUI NE VOULAIT PAS SE LAVER
Gil Courtemanche et Bruno St-Aubin
Les 400 coups, Montréal, 2005, 40 p. ; 12,95 $
Naître raton laveur ne prédispose pas nécessairement au culte de la buanderie. Pas plus qu’une telle origine ne prépare forcément au conformisme. Bien que raton laveur, Plouk n’aime pas l’uniforme traditionnel de sa race, ni le silence. Les marginaux l’attirent ; avec eux, il se sent à l’aise, accepté et libre d’exprimer ses imprévisibles talents. La société n’est cependant pas d’accord pour que Plouk et ses imprévisibles semblables squattent un immeuble inoccupé. La réaction, féroce comme peut l’être une parabole, ne tardera pas : l’expulsion prendra des allures d’offensive militaire. L’attachement de Plouk à la liberté n’en diminuera pas pour autant. Ainsi naîtra La Maison des Squigis. La critique sociale occupe tous les racoins de la parabole, sans pour autant en faire un vilain exposé moralisateur. Beau et intelligent.
LE JOUR OÙ ZOÉ ZOZOTA
Pierre Pratt
Les 400 coups, Montréal, 2005, 56 p. ; 14,95 $
Difficile de trouver album moins cartésien. Tout, pourtant, pointait en direction d’un exercice étroitement encadré : entre A et Z, le parcours alphabétique, en effet, est balisé depuis toujours jusqu’à la monotonie. La surprise que réserve Pierre Pratt n’en devient que plus rafraîchissante. Oui, l’ordre alphabétique est respecté, mais l’imagination s’ébat quand même sans contrainte et crée les liens de son choix entre la lettre dont le tour est venu et le dessin qu’elle inspire à l’auteur. On admire que l’imprévu surgisse avec une telle fantaisie dans le cadre familier de l’alphabet. Subtil, brillant, agréablement déroutant, l’album traite son public avec le respect raffiné dû aux meilleurs lecteurs.
Sentiments à la carte
SOPHIE DÉFEND LES PETITS FANTÔMES
Louise Leblanc et Marie-Louise Gay
La courte échelle, Montréal, 2005, 64 p. ; 8,95 $
Pas facile de résister à la violence. S’y résigner ne constitue pas une réponse adéquate, mais comment la combattre sans l’amplifier ? Sophie ne connaît pas toutes les réponses, mais elle sait, intuition aidant, qu’on ne règle rien en esquivant ses responsabilités. Elle hésitera un instant, cherchant à équilibrer les forces en présence, mais elle ne se résignera pas à ce que l’école fasse peur à son petit frère. Des alliances se nouent qui permettront à chacune et à chacun de choisir son camp et, surtout, de préciser ses valeurs. La violence et la force sont-elles les seules réponses adéquates ? L’histoire manque un peu de subtilité, mais quelque chose est déjà acquis si l’on apprend qu’il faut résister.
MAÎTRESSE EN DÉTRESSE
Danielle Simard et Caroline Merola
Soulières, Saint-Lambert, 2005, 96 p. ; 7,95 $
Peut-être un certain nombre d’enseignantes et d’enseignants envieront-ils la très efficace Véro. Quand vingt-cinq jeunes agités jettent le désordre autour de leur nouvelle maîtresse, d’étranges pouvoirs entrent en jeu : les mains levées ne peuvent redescendre, les bouches, bien malgré elles, crachent des grenouilles, etc. On aura compris que Véro, équipée de pouvoirs magiques, y recourt instinctivement lorsque sa patience atteint ses limites. Réactions incontrôlées ? Peut-être. Ses impatiences débouchent, en tout cas, sur des situations déplaisantes. Il faudra que la classe et sa sorcière trouvent un terrain d’entente. Amusant et plus profond qu’on ne le pense !
MARIE SOLITUDE
Nathalie Ferraris et Dominique Jolin
Soulières, Saint-Lambert, 2005, 72 p. ; 7,95 $
Thème rarement abordé que celui de la solitude voulue et âprement défendue. Pourtant, pourquoi faudrait-il que les jeunes années s’épuisent toujours dans le bruit et le fracas des fréquentations peu désirées ? Pourquoi une jeune personne ne pourrait-elle pas retarder jusqu’à l’heure de son choix les contacts intimes avec l’entourage ? Cela laisse le temps de découvrir la nature et de pactiser avec elle, de rêver sans soumettre encore l’imaginaire aux tests sociaux. Le jour viendra pourtant, sans qu’on ait à tirer sur la violette pour en accélérer la croissance, où Marie éprouvera le besoin de se confier. Que ce soit d’abord à un chat, est-ce si rare ? Écriture candide et ensorcelante, dessin à la hauteur.
Entre deux mondes
RHAPSODIE BOHÉMIENNE
Mylène Gilbert-Dumas et Stéphane Bourrelle
Soulières, Saint-Lambert, 2005, 144 p. ; 8,95 $
Recevoir en héritage d’un oncle à peine connu un œuf de varan, ce n’est pas banal. Peut-être est-ce ridicule. Bien des jeunes filles hausseraient les épaules et rangeraient l’épisode parmi les souvenirs à oublier. Pas si simple, pourtant ! La garde du lézard s’accompagne, en effet, d’une promesse : 400 000 dollars seront versés à Marie-Pier si la bestiole atteint ses quinze ans. Mais pourquoi un tel legs ? Et pourquoi un testament aussi inusité provoque-t-il chez les parents de Marie-Pier un durable bouleversement ? Le récit est ingénieux, émouvant, fécond en rebondissements. Dès l’instant où Marie-Pier croit avoir les clés des différents mystères, un nouveau virage se produit qui renouvelle le questionnement. Et l’informatique est là qui, finement, prend la relève d’un bien susceptible varan.
LES TUEURS DE LA DÉESSE NOIRE
Camille Bouchard
Boréal, Montréal, 2005, 140 p. ; 9,95 $
Camille Bouchard, auteur prolifique à souhait, aime camper ses intrigues contre un décor exotique. Il parvient, cette fois, à entremêler l’ailleurs et le familier, des lieux québécois et le culte d’une lointaine déesse. La rencontre des deux mondes se fait d’efficace façon : puisque la déesse Kali réclame le sacrifice d’une vie, ses tueurs fanatisés poursuivront jusqu’au cœur du Québec celui dont l’arrêt de mort a été prononcé. Camille Bouchard parvient ainsi à rendre (presque) familier un univers religieux traversé par les principes immémoriaux de la réincarnation et les démêlés tumultueux des dieux hindous. La pédagogie utilisée présente de nombreux avantages. Les jeunes lecteurs peuvent concentrer leur attention sur l’affrontement avec les tueurs ; ils n’auront pas à assimiler en même temps les subtilités d’une religion mystérieuse et les étrangetés d’un pays impénétrable.
LE BAISER DE LA SANGSUE
Jean-Pierre Davidts
Boréal, Montréal, 2005, 144 p. ; 9,95 $
Le roman, bien construit, se situe à la charnière du réel et d’un redoutable imaginaire. La sangsue, bien réelle et vraiment tapie au fond d’un aquarium d’occasion, possède l’étrange pouvoir d’entraîner dans un autre univers celui qu’elle mord. L’imprudent Olivier vit des aventures terrifiantes auxquelles rien ne l’avait préparé et dont il ne s’extrait que vanné et apeuré. Quand il reprend pied dans les lieux familiers, il ne sait plus s’il a traversé un cauchemar ou séjourné dans un monde parallèle. Le jour vient où le versant sombre de son existence lui paraît, en dépit ou à cause des dangers rencontrés, plus attirant que la vie quotidienne. Le superbe conteur qu’est Jean-Pierre Davidts élargit ainsi son registre déjà impressionnant. Comme plusieurs des meilleurs auteurs d’aujourd’hui, il résiste à la tentation d’une conclusion trop nette. Quand le récit s’achève, l’imagination poursuit sa course.
UN MÉCHANT TOUR DU DESTIN
Jocelyn Boisvert et Paul Roux
Vents d’Ouest, Gatineau, 2005, 214 p. ; 10,95 $
« Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ! », dit le proverbe. Malheureusement, Benjamin ignorait ce conseil. Tout au plaisir de célébrer ses dix ans, il a jeté un regard méprisant sur la vieille personne dont le quatre-vingtième anniversaire tombait le même jour. Mais voilà que les destins s’inversent et que Benjamin endosse malgré lui le corps du vieillard. Il prend conscience de ce qu’est le vieillissement et des plaisirs qui lui seront à jamais refusés s’il ne réintègre pas sa jeune enveloppe. Le vieil Émile ajoute à sa surprise quand il se déclare heureux dans sa carcasse. Benjamin modifie en profondeur plusieurs de ses verdicts. Vieillir n’est peut-être pas le statut inférieur sur lequel il levait le nez ; la jeunesse est un cadeau dont il faut apprécier chaque minute. L’auteur a su créer autour des deux « jubilaires » un environnement humain plausible et diversifié. L’amitié est à portée de main et la famille offre à la fois son affection et sa connaissance de la vie. Excellent.
Magie et histoire
LEONIS
T. 4, LES MASQUES DE L’OMBRE
T. 5, LE TOMBEAU DE DEDEPHOR
Mario Francis
Les Intouchables, Montréal, 2005, 255 p. et 252 p. ; 8,95 $ chacun
Conformément à la règle non écrite qui semble régir les sagas modernes, on ne sait pas encore, à moins d’avoir reçu les confidences de l’auteur, de combien de tomes Leonis aura besoin pour regrouper les douze joyaux de la table solaire. Cela importe assez peu, car la série se déploie avec intelligence, rythme, cohésion. Les enjeux sont nets depuis le début, les forces qui s’affrontent clairement identifiées, les quelques pouvoirs surnaturels déjà distribués. Loin de nuire à l’intérêt, les limites imposées aux recours magiques contribuent à rendre le récit plus rigoureux. Leonis ne peut même pas se transformer en un autre être à moins d’absolue nécessité. Qu’il se permette des sautes d’humeur et jette parfois ses soupçons dans la mauvaise direction, voilà qui ne lui nuira pas non plus auprès des jeunes générations ; Leonis n’en devient que plus incarné. Jusqu’à maintenant, il s’agit d’une série à la trajectoire logique et pourtant fascinante.
LE SANTERRIAN
Gouand (Luc Saint-Hilaire)
Mortagne, Ottawa, 2005, 715 p. ; 29,95 $
Gouand – puisque telle est la signature voulue par l’auteur – s’est lancé à lui-même une longue série de défis. La géographie qu’il établit ne ressemble à aucune autre. La grammaire subit un nivellement des sexes qui plaira peut-être à ceux et celles qui préconisent une parfaite égalité entre hommes et femmes ; à ce stade, l’homogénéisation déconcerte plus qu’elle ne persuade. Races et gens portent des noms qui les situent d’emblée en terre inconnue. Autant d’ingrédients qui garantissent un dépaysement rapide, mais qui peuvent devenir autant de pièges et de distractions. Il serait dommage que le jeune lecteur en oublie les plus justes intuitions de l’auteur. Par exemple, celle qu’expose l’Ancêtre à propos du Moyen Peuple. Pourquoi est-il si satisfait de cette Race ? « Parce que je vous ai faits de telle sorte que vous possédez peu de connaissances, mais que vous cherchez continuellement à en découvrir de nouvelles. » De même, le secret que reçoit le héros Ardahel : « […] dans tout l’Univers, seul Elhuï peut décider ce qui doit être. Or, sa logique d’Amour dépasse tout ce que nous pouvons concevoir. Elle implique une notion importante, celle de la liberté, du libre arbitre ». Ouvrage ambitieux, lourd de questions fondamentales, mais qui court le risque des chatoiements artificiels.
Retour sur terre
UN FLEUVE DE SANG
Michel Villeneuve et Stéphane Jorisch
Hurtubise HMH, Montréal, 2005, 232 p. ; 12,95 $
Quelques pages suffisent à Michel Villeneuve pour créer la tension et susciter les questions. Au lieu des petits parasols décoratifs qu’elle attendait, l’entreprise où le jeune héros a trouvé un emploi temporaire reçoit… quinze cadavres d’immigrants clandestins. Et c’est parti ! Beaucoup de rebondissements, une contribution importante et pourtant vraisemblable de la part d’enquêteurs encore imberbes, coups de sonde dans des cultures exotiques ou des mSurs criminelles, une écriture précise et fluide, voilà une belle brochette de mérites. À cela s’ajoutent les gestes imprévisibles d’une justice expéditive qui liquide les bavards et traite les vivants en général selon ce qu’ils rapportent ou ce qu’ils font craindre. Les jeunes enquêteurs, qui ont craint un instant d’avoir attiré la foudre au mauvais endroit, acceptent sagement de laisser les professionnels ramasser les pots cassés. Fort bien mené.
SEKHMET, LA DÉESSE SAUVAGE
François Gravel
Québec Amérique, Montréal, 2005, 176 p. ; 9,95 $
Rassemblés par leur commune fascination pour les histoires sanglantes, les jeunes membres du Club des Cadavres exquis en ont pour leur argent : à deux reprises, quelqu’un dépose à la porte de leur local de réunion de quoi soulever les cœurs mal accrochés. Supputations interminables, plan d’attaque répartissant les vérifications, clins d’œil nombreux aux enquêteurs (et enquêteures) inventés par le polar québécois, tout est mis en œuvre par l’ingénieux François Gravel. Pendant que se déroule l’enquête, les théories s’affrontent et le lecteur se familiarise sans douleur avec la tendance gothique et quelques sous-produits de la peur. « Les contes de fées, les romans policiers, les films d’horreur, déclare un membre du club, ce sont des vaccins qu’on s’administre pour s’aider à vivre. On veut bien du virus de la peur, mais à condition qu’il soit désactivé. » Roman qui porte la touche du professionnel. Écriture fluide (même si je déteste toujours autant l’horrible « moins pire »).
LE RETOUR D’ANCA
Michel Lavoie
Vents d’Ouest, Gatineau, 2005, 128 p. ; 9,95 $
L’expression fait frémir : « Alors, ma soif de vengeance… se nourrissait d’oxygène haineux ». Pourtant, comment mieux exprimer ce qu’éprouve jusqu’au plus profond celle qui doit son enfant à un violeur ? À peine âgée de dix-huit ans, Anca a, en effet, vécu le pire. À l’heure où d’autres abordent la vie, elle en a déjà subi les horreurs. Elle doit à l’enfant du viol le meilleur de son âme, mais comment tolérer que vive celui qui a sali la maternité et qui, à jamais, projettera sur l’enfant une ombre de violence ? Michel Lavoie, dont on sait le souci qu’il entretient pour la jeune génération, s’est penché sur cette indicible souffrance et il en raconte l’aboutissement : voyage jusqu’au lieu du viol, enquête jusqu’à l’identification de la bête, préparation du geste qui éliminera le criminel… Cette libération aura-t-elle lieu ? Sera-t-elle une véritable résurrection ? Sur un thème qui en aurait porté d’autres aux arlequinades, Michel Lavoie sait se tenir à proximité de la jeune femme qui a vécu le drame. De là lui viennent l’authenticité et le sens de la mesure.
LA DISPARITION
Charlotte Gingras et Stéphane Jorisch
La courte échelle, Montréal, 2005, 168 p. ; 14,95 $
Même couverte de prix et de récompenses prestigieuses, Charlotte Gingras explore sans trêve les cœurs et les cultures. Cette fois, c’est vers le Nord lointain qu’elle dirige le regard. Là vivent des Autochtones fiers et blessés, là se perdent parfois des amateurs de grands espaces venus du Sud, y compris des mères qui ne laissent derrière elles que les pages d’un carnet. Partir à sa recherche ou obtenir confirmation de sa mort, il n’y a pas d’autre destin. La certitude viendra qui rendra le deuil de moins en moins négociable, de plus en plus apaisé. Charlotte Gingras, sans le moindre souci de clinquant, transcrit les mots du peuple nordique, demande aux cultures de s’interpénétrer, livre en phrases syncopées le secret des univers inconnus. Peu à peu, la jeune orpheline surmontera la disparition de sa danseuse de mère. Elle cessera de se mettre en scène à la troisième personne (« La zombie se lève… ») et deviendra, pour elle et les autres, un être meurtri, mais vivant. Doux et beau comme un drame assumé.
LE FILS MAUDIT
Élaine Marie Alphin
Trad. de l’américain par Frédérique Fraisse
Pocket, Paris, 2005, 200 p. ; 24,95 $
Jusqu’à quel point un enfant change-t-il en six ans ? Si, de surcroît, ces années se sont écoulées sous la férule d’un tueur en série toujours à deux doigts du meurtre, qui reprocherait à l’enfant de ne plus ressembler au garçonnet qu’il était autrefois au sein de sa famille ? Frédéric entrevoit si bien ce que peuvent être les changements qu’il tente l’aventure : il change d’identité et s’insinue sous le nom de Neil Lacey dans la famille d’un des enfants assassinés. Il trompera bien des gens, mais pas sa sœur ni son frère. Le policier chargé de l’enquête demeure également sceptique. Le récit crée une tension d’autant plus insoutenable qu’elle s’exerce sur un enfant qui ne peut demander conseil à personne. Puis, un maître-chanteur surgit du passé de Frédéric et menace de révéler la vérité. La conclusion, qu’on se reproche de n’avoir pas envisagée, est déroutante à l’extrême.
À l’épreuve des faits
À LA RECHERCHE DE LUCY-JANE
Anne Bernard Lenoir
Hurtubise HMH, Montréal, 2005, 252 p. ; 12,95 $
Aucune austérité n’est obligatoire dans la familiarisation avec l’histoire et Anne Bernard Lenoir en fait l’éloquente démonstration. À elle la recherche et ses exigences, au lecteur le plaisir de recevoir à la fois un récit prenant et un rappel de faits vérifiés. Le décor des Îles-de-la-Madeleine est mis à contribution avec doigté et fidélité, l’histoire impose ses repères, mais l’intrigue progresse dans la liberté. On peut visiblement pratiquer la plongée sous-marine pour divers motifs : Laura, parce qu’elle entend percer le mystère d’une antique épave ; des truands, parce que la Lucy-Jane titille leur appétit par le trésor qu’elle est censée receler. Premier roman d’une auteure dont on peut déjà attendre de belles choses.
SUR LES TRACES DES ARABES ET DE L’ISLAM
Youssef Seddik et Olivier Tallec
Gallimard, Paris, 2004, 128 p. ; 18,95 $
La collection de Gallimard « Sur les traces de… » ne recule pas devant les sujets délicats ou controversés : Darwin, Napoléon, Moïse… Le petit livre consacré aux Arabes et à l’islam témoigne de la constance de cette audace et d’une rare propension à la sérénité. L’iconographie, riche et flamboyante, n’est pas en reste. L’auteur, qui initie le lecteur à la complexité du monde islamique, met en évidence certains personnages au relief étonnant. Plus encore, il dégage les lignes de force d’une culture méconnue et souvent sous-estimée. L’idée d’engager une correspondance d’ordre éthique entre Richard Cœur de Lion et Saladin déplace leur affrontement vers un terrain fécond. De même, la haute figure d’Averroès montre à un Occident souvent simpliste que l’islam aussi a tenté de réconcilier foi et raison. Texte intelligent qui ne sous-estime aucune génération.
La science sur tous les tons
TRÉSORS INGÉNIEUX
Collectif
Québec Amérique, Montréal, 2004, 160 p. ; 12,95 $
J’avoue mon ambivalence lorsqu’un bouquin au superbe contenu scientifique tient à ressembler à un des labyrinthes « dont vous êtes le héros ». Pourquoi le cheminement, qui en avait déjà bien assez de respecter l’histoire et la géographie, doit-il se plier aux caprices du hasard et de l’irrationnel ? On me répondra sans doute que cela allège en rendant les faits plus assimilables. Peut-être. L’inconfort d’un vieux cartésien ne doit pas occulter les mérites de cette petite encyclopédie. L’information y est abondante, diversifiée, parfaitement assimilable. Dommage qu’on y introduise un jeu de dés.
LA VITESSE DU MIEL
Jay Ingram
Trad. de l’anglais par Carole Noël
MultiMondes, Sainte-Foy, 2005, 237 p. ; 29,95 $
Un regard scientifique sur un quotidien apparemment banal. Telle est la pédagogie alerte, drôle et efficace de Jay Ingram. Est-ce du pessimisme et du réalisme d’affirmer qu’une tartine beurrée atterrit toujours sur son côté beurré ? Pourquoi, à travers la plupart des époques et des cultures, les femmes portent-elles leur bébé sur le bras gauche ? Y a-t-il un lien entre l’autisme et le regard ? Que le soleil se couche en émettant un rouge éclatant nous apprend-il quelque chose sur la température du lendemain ? Qui n’a pas posé de telles questions ? Jay Ingram répond avec compétence et prudence. Le genre de bouquin qui fascinera n’importe quel jeune curieux et qui convaincra l’adulte de s’informer (clandestinement) pour ne pas avoir l’air trop gourde…
SOLEIL, SABLE ET SCIENCE
Raynald Pepin
MultiMondes, Sainte-Foy, 2005, 211 p. ; 29,95 $
La proposition de l’auteur est nette et aguichante : profiter d’un assez bref séjour dans la nature estivale pour entrevoir et percer un certain nombre de mystères ou pour substituer des notions précises aux impressions épidermiques. Le défi n’est qu’en partie relevé. Non que les précisions ne soient pas au rendez-vous, mais parce que le naturel connaît des éclipses. L’auteur se résigne mal à attendre les circonstances favorables au questionnement ; il leur donne un coup de pouce et introduit ainsi le didactisme dans ce qui aurait gagné à demeurer une simple journée de vacances. D’autre part, le ton change radicalement dès que la question est circonscrite. La vulgarisation cède alors le terrain à la démonstration magistrale et sèche. Cela témoigne d’un vif souci de rigueur, mais risque de rompre le contact. Mais peut-être devrais-je modifier la conclusion : l’ouvrage manque peut-être de spontanéité, mais il constitue un guide fiable.
L’ATLAS DE LA TERRE
Collectif
Québec Amérique, Montréal, 2005, 80 p. ; 18,95 $
La formule est désormais familière. Elle satisfait d’ailleurs à de nombreux besoins. Elle remplit, en tout cas, un vaste créneau : présentation des lois qui régissent la nature, mise à jour des connaissances humaines, perception plus nette de l’évolution, sensibilisation aux risques que courent les équilibres écologiques, décodage éclairé des événements qui secouent l’actualité, etc. Non seulement les jeunes trouvent là de quoi mener leurs recherches, mais ils sont conviés à des expériences qui, à leur échelle, rendent intelligibles la formation des montagnes, la fossilisation, le tremblement de terre… Travail d’un grand professionnalisme.