L’influence de Harry Potter agit encore, mais la littérature offerte aux jeunes s’aligne déjà moins sur le modèle dominant. Elle l’apprête plus librement selon sa fantaisie et sa créativité. Certaines tendances en profitent pour prendre ou reprendre de la vigueur. Par exemple, les contacts interculturels et les voyages dans le temps.
Vite le dépaysement !
Rien de tel qu’un album pour se plonger doucement dans la littérature des jeunes générations. Surtout s’il associe la poésie chaleureuse d’Henriette Major et les effervescentes illustrations de Philippe Béha. On lit quelques lignes de J’aime les poèmes, l’œil glisse vers les collages, on revient au poème, on retourne aux couleurs et à leurs audaces, avec un enchantement constant. Que deux vétérans de la littérature juvénile plaisent à ce point après tant de rencontres en dit long sur leur attachement à l’enfance.
Henriette Major et Philippe Béha, J’aime les poèmes, Hurtubise HMH, Montréal, 2002, non paginé ; 24,95 $.
La moustache magique intervient à plusieurs reprises dans ce délirant album de Gary Barwin et Stéphane Jorisch, chaque fois pour servir d’échelle à un nez vagabond. Elle pousse et repousse, cette moustache, s’étire selon les dangers, reprend à zéro sa croissance interrompue, sert aux escalades du nez explorateur, se laisse tailler sans mot dire quand le nez veut couper la voie à son poursuivant. Le jour viendra où la course s’apaisera et où le vagabondage débouchera sur… quelque chose ! À chacun d’aller voir. Le dessin est magnifique de fantaisie, l’allusion à un conte classique sert de guide discret. Comme le corps et le visage accordent toute liberté à leurs composantes, les yeux, la bouche, les dents et le nez bien sûr en profitent pour un turbulent tour de piste. Superbe.
Gary Barwin et Stéphane Jorisch, La moustache magique, Les 400 coups, Montréal, 2003, 32 p. ; 12,95 $.
Dans Le prince des marais, l’humour de Robert Soulières inverse la magie d’un des plus célèbres contes de fées. Le prince charmant, personnage normalement porteur de bonheur, s’ennuie à mourir. Il sollicite en vain le baiser de la princesse. La marraine, un peu contre son gré, apportera son aide, une aide inattendue. Le procédé choisi par Stéphane Bourrelle pour les illustrations évoque à la fois le monde de la vie quotidienne et celui, équivoque et flottant, des improbables légendes.
Robert Soulières et Stéphane Bourrelle, Le prince des marais, Les 400 coups, Montréal, 2002, 32 p. ; 12,95 $.
De l’enquête à la création
Clan compact et secret, les Moutons noirs n’admettent que les aspirants à la parole sans faille dans Les Moutons noirs enquêtent de Dominique Patenaude et Jocelyne Bouchard. Quand Céleste, à peine franchie l’initiation, s’enferre dans les mensonges, le groupe est déçu et choqué. On n’a rien contre les joueurs de tours, mais on ne saurait pardonner à qui a promis, puis trahi. Enquête plausible, déroutante et dont le terme, pourtant logique, servira de test à la maturité des Moutons noirs.
Dominique Patenaude et Jocelyne Bouchard, Les Moutons noirs enquêtent, Michel Quintin, Montréal, 2002, 104 p. ; 8,95 $.
On vante tellement l’inoxydable sérénité des grands-parents qu’on sourira aux relations agitées qu’entretiennent Mamie-Jo et Papi Chou dans En avant, la musique ! de Henriette Major et Sampar. Les deux vieux tiennent à gâter leur descendance, mais chacun à sa manière. Quand, en plus, la génération qui sépare Alexandre de ses grands-parents se mêle elle aussi d’orienter les choix de l’adolescent, on comprend que celui-ci hésite entre le sport, la musique rock, le cor de chasse et le sifflement. Comme Alexandre lui-même n’est pas la stabilité incarnée, les virages seront nombreux, soigneusement illogiques et logiquement imprévisibles.
Henriette Major et Sampar, En avant, la musique !, Pierre Tisseyre, Montréal, 2002, 104 p. ; 8,95 $.
Puisqu’il y a crime, il y a aura enquête de la part de La patrouille des citrouilles. Ernest et Émilie ne laisseront pas disparaître les citrouilles de l’oncle d’Ernest et surtout pas l’énorme spécimen qui doit entrer dans les annales comme la plus lourde cucurbitacée des temps modernes. Ensemble, ils guetteront, veilleront, accuseront. Le dessin de Paul Roux, toujours frais et minutieux, sert bien un récit aux multiples rebondissements. Léger, sympathique, truffé de détails qui nécessitent un deuxième ou un troisième regard.
Paul Roux, La patrouille des citrouilles, Banjo, Mont-Royal, 2002, 24 p. ; 7,95 $.
Une histoire tout feu tout flamme d’Élaine Turgeon et Michel Rouleau mérite bien son titre. Sa fantaisie va dans tous les sens, au risque de passer d’un registre à l’autre. Entre le poisson emmené en promenade (!) et les problèmes causés par un étrange club vidéo, il y a une sorte de rupture et l’on cherche l’arrimage entre les deux mondes. N’en faisons pas un reproche : mieux vaut trop d’imagination que pas assez.
Élaine Turgeon et Michel Rouleau, Une histoire tout feu tout flamme, Québec Amérique, Montréal, 2002, 105 p. ; 8,95 $.
Dans sa sixième aventure, Julia et le locataire (Christiane Duchesne et Bruno St-Aubin), la sympathique Julia découvre dans son jardin un affreux petit bonhomme qui, entre autres lubies, se dit propriétaire du lieu. Heureusement, les goûts de Julia et du laideron diffèrent tellement que la coexistence devient possible. Ce qu’aime Julia, l’autre ne s’en approchera jamais. Ce qu’apprécie jusqu’à l’extase le vilain petit bonhomme, Julia n’en voudrait ni dans son lit ni dans son assiette. Ils devront s’habituer à des codes de signalisation opposés : Julia ne doit pas sourire à moins d’être fâchée. Raffiné et ingénieux dans l’art de faire accepter les différences.
Christiane Duchesne et Bruno St-Aubin, Les nuits et les jours de Julia, T. 6, Julia et le locataire, Boréal, Montréal, 2002, 56 p. ; 8,95 $.
Nouvelle variation sur le thème familier du jugement hâtif, Julie et le visiteur de minuit de Martine Latulippe et May Rousseau raconte la terrifiante rencontre avec un loup-garou. Du moins est-ce la conclusion que tire Julie quand son voisin vaque à d’étranges activités nocturnes et arbore une chevelure trop longue… On s’étonnera que Julie englobe ses parents dans ses soupçons au point de les croire de mèche. Mais la peur enfantine a droit à son invraisemblance.
Martine Latulippe et May Rousseau, Julie et le visiteur de minuit, Québec Amérique, 2002, Montréal, 69 p. ; 8,95 $.
Le héros de Je suis Thomas ferait la joie de n’importe quel philosophe. Il s’interroge sur son identité, sur les deux Thomas qui se disputent la maîtrise de sa petite personne, sur les raisons de la guerre… Et comme pour accroître le doute, les cheveux de Thomas poussent avec une telle cadence que les gens le traitent en fille. Sylvie Desrosiers a créé un personnage peu commun et que jeunes et adultes gagneront à fréquenter. Beaucoup d’enfants bouillonnent de doutes, bien peu les explicitent, moins encore trouvent une oreille adulte prête à écouter.
Sylvie Desrosiers et Leanne Franson, Je suis Thomas, La courte échelle, Montréal, 2003, 64 p. ; 8,95 $.
Avec Une lettre pour Nakicha, nous entrons dans le monde des amours pudiques et des douleurs secrètes. Marthe Pelletier ne verse pourtant pas, loin de là, dans le misérabilisme. Qu’un Max en fauteuil roulant se sente peu intéressant aux yeux de la jeune fille qui nage avec vigueur, on le comprend. La dynamique change quand la grand-mère menacée de cécité demande à Max de lui relire les 365 lettres d’amour autrefois rédigées par le grand-père disparu. Max s’exécute sous le regard de Nakicha et de la grand-mère. Ce qu’il lit vient d’une autre époque, mais ressemble de si près à ce qu’il éprouve et à ce que, peut-être, Nakicha aimerait lire que les confidences deviennent possibles. Superbe chassé-croisé de sentiments hésitants. Émouvant séjour auprès de personnages sincères et attachants. Et la fin embellit tout.
Marthe Pelletier et Rafael Sottolichio, Une lettre pour Nakicha, La courte échelle, Montréal, 2003, 96 p. ; 8,95 $.
Tous ces autres mondes
Sans abuser du vocabulaire ésotérique, Julie Martel, dans À dos de dragon, met à contribution des créatures aux natures inattendues ou hybrides. Assez près des humains pour créer une parenté avec les lecteurs, assez étranges pour s’autoriser des gestes déroutants, ils sont de taille plus que modeste, mais ne craignent pas (ou à peine) de parcourir le monde à dos de dragon. Julie Martel, habilement, situe l’action en quelques paragraphes denses et éclairants, puis elle raconte avec verve et couleur les taquineries et les colères, les voyages et les combats, les peurs et les fiertés. À moins de trente ans, c’est déjà son huitième titre.
Julie Martel, À dos de dragon, Médiaspaul, Montréal, 2002, 160 p. ; 9,95 $.
Sans avoir l’air d’y toucher, mais avec l’humour élégant du conteur aguerri, Laurent Chabin, avec La planète des chats, projette son héros dans un monde où les humains font figure de pygmées, mais où, surtout, ils doivent se poser de fort exigeantes questions. Chess trouve la planète où sa chère Saha est disparue, mais là s’arrêtent les bonnes nouvelles. À peine débarqué, il est entouré de rats énormes qui ne s’enfuient que sous les assauts de chats plus colossaux encore. Surprise ! Ces félins aux dimensions de tigres traitent les humains avec la désinvolture que reçoivent nos animaux de compagnie. Le chat maître de Chess et de Saha serait comblé si ces décoratifs petits humains acceptaient en ronronnant leur confortable statut. La tentation est là. La liberté devient l’enjeu, non la survie ou le confort.
Laurent Chabin et Sophie Casson, La planète des chats, Hurtubise HMH, Montréal, 2002, 101 p. ; 8,95 $.
Deux époques se télescopent dans ce trépidant récit de Christophe Lambert intitulé Souviens-toi d’Alamo !. Comme si un étrange couloir rattachait 1836 et 1965, des aviateurs de l’ère moderne disparaissent dans le triangle des Bermudes et aboutissent à Alamo où les hommes de Davy Crockett affrontent les forces mexicaines. Les armes modernes pourraient transformer en victoire la défaite américaine racontée par les manuels, mais comment réagirait l’histoire si le futur retouchait le passé ? La question, nettement formulée, frappe d’autant plus que la reconstitution du passé est minutieuse, fidèle, envoûtante. Christophe Lambert pousse la rigueur jusqu’à livrer ses sources d’inspiration, depuis ses lectures jusqu’à ses souvenirs de jeunesse. L’histoire revit.
Christophe Lambert et Manchu, Souviens-toi d’Alamo !, Mango, Paris, 2002, 214 p. ; 14,95 $.
Sunwing de Kenneth Oppel donne la parole à ceux qui, normalement, ne l’ont pas : chauves-souris, chouettes, rats, vampires… Les humains n’interviennent que pour bouleverser les équilibres entre les espèces. Ils traitent les vivants en objets d’expérimentation, baguent tout ce qu’ils attrapent, transforment les oiseaux en bombes volantes. La méfiance sévit entre des espèces qui s’étaient partagé l’espace et les ressources. Le jeune Ombre, chauve-souris de son état, essaie de rétablir le climat de confiance qui, seul, peut sauver les espèces. Le récit met le courage à contribution et fait assez peu appel à la magie.
Kenneth Oppel, Sunwing, Scholastic, Markham, 2002, 418 p. ; 14,99 $.
L’immense fresque de Paul Stewart, les Chroniques du bout du monde en est à son deuxième tome avec Le chasseur de tempête. Le torrent ne semble pas sur le point de tarir. De nouveaux termes surgissent sans cesse, les complots ne manquent jamais de têtes brûlées, le jeune Spic, à la recherche de son père disparu en mission, part conquérir le phrax dont dépend l’équilibre de sa patrie. Il affrontera la tempête puisque c’est sa rage qui engendre le phrax. Le dessin hallucinant de Chris Riddel mérite l’admiration.
Paul Stewart et Chris Riddell, Chroniques du bout du monde, T. 2, Le chasseur de tempête, trad. Jacqueline Odin, Milan, Toulouse, 2002, 416 p. ; 24,95 $.
Au contact de l’autre
L’environnement est là pour le prouver, c’est souvent par les jeunes que se répandent les messages essentiels. La solidarité entre les peuples fait partie de ces valeurs largement affirmées par la littérature jeunesse. Ainsi, La ligne de butin volante de Myriame El Yamani et Joël Boudreau constitue un souriant voyage initiatique qui permet à Mariette de mesurer les ressemblances et les divergences entre les cultures et les gens. Le Maroc se fait valoir, le Québec prend sa place, l’Orient salue de loin et tous se découvrent parents. Les coutumes s’expliquent et la capacité d’accueil s’en trouve accrue.
Myriame El Yamani et Joël Boudreau, La ligne à butin volante, Bouton d’or Acadie, Moncton, 2002, 59 p. ; 8,95 $.
La visite nordique de Diane Groulx, pour mieux dépayser, présente non pas l’expédition vers les paysages nordiques, mais l’inverse. Le petit demi-frère est souffrant et requiert des soins que le Sud est seul à offrir. Aurélie logera chez ses grands-parents dans la campagne québécoise. Les gens qu’elle rencontre ont tout à changer dans leur perception des populations nordiques. Rien, cependant, qui soit sèchement didactique dans ce récit. Au contraire, Aurélie est vite entraînée par une enquête aux risques imprévisibles. Intelligent, nuancé, magnifiquement documenté et empathique à souhait.
Diane Groulx, La visite nordique, Éditions du soleil de minuit, Saint-Damien-de-Brandon, 2002, 144 p. ; 9,95 $.
Le grand mérite d’Alix Christine Whitfield dans Le chant de Kaalak, c’est la parfaite honnêteté de son regard sur une famille inuite cherchant sa continuité culturelle au Nunavut. Le malheur frappe quand un adolescent plus irréfléchi que méchant tue son père par accident. Le jeune homme s’isole et se complique l’existence par mille sottises. Son cadet, amené à remplacer le père, renforce ses liens avec le grand-père, chasse avec lui, hésite entre la vie traditionnelle et l’école moderne. L’auteure fait comprendre les drames d’une culture menacée.
Alix Christine Whitfield, Le chant de Kaalak, trad. par Lyn Joncas, De la paix, Saint-Alphonse-de-Granby, 2002, 271 p. ; 12,95 $.
Il est heureux que soient racontées les relations entre les arrivants européens et les populations autochtones qui, comme les Micmacs, leur facilitèrent l’adaptation. Il est plus heureux encore que cette « réparation tardive » s’effectue par la voie des contes et des légendes. Un petit garçon pêche une baleine, en effet, doit peu à l’histoire savante et tout à l’imaginaire d’un peuple. Un vieux couple sans ressource accueille le bambin qui sort de la terre. L’enfant leur revaudra cet accueil. Il pêche et nourrit les vieux. Il pêchera même une huître qui cache… une baleine. Le vieillissement et la mort frapperont et les survivants réagiront selon la sagesse séculaire. Le texte, en trois langues, est sobre, aussi affirmatif que s’il n’énonçait que des évidences. Et on s’incline.
Judith Perron, Helen Silliboy, Allison Mitcham et Naomi Mitcham, Un petit garçon pêche une baleine, Bouton d’or Acadie, Moncton, 2002, 24 p. ; 7,95 $.
L’araignée géante d’Estelle Whitton et Stéphane Simard met à la portée d’un public autochtone un court récit qui avait séduit le jeune public francophone il y a trois ans avec la traduction en atikamekw par Martha Niquay. Les peurs que l’enfance doit vaincre sont sans doute assez répandues pour que l’apaisement du conte soit apprécié partout et en toutes les langues.
Estelle Whitton et Stéphane Simard, L’araignée géante, trad. en atikamekw par Martha Niquay,
Animaux proches ou exotiques
Qu’on les laisse s’exprimer ou que l’anthropomorphisme leur prête nos passions, les animaux ne ratent aucune occasion de pointer le museau ou la nageoire dans les récits pour enfants, souvent à titre de compagnon digne des confidences.
Quand disparaît le chien Pistache, Marie s’inquiète. Quand le copain Patrick, jamais en panne de rumeurs et de cauchemars, laisse entendre que les parents de Marie ont cédé à de très orientales tendances culinaires et ont converti Pistache en ragoût, c’est l’affolement. Une fois encore, à l’étonnement du grand-père que je suis, les parents sont présumés capables des pires horreurs. Dans J’ai mangé Pistache de Marilou Addison et Tristan Demers.
Marilou Addison et Tristan Demers, J’ai mangé Pistache, Le Loup de Gouttière, Québec, 2002, 52 p. ; 7,95 $.
Louise Simard, toujours généreuse en observations historiques et scientifiques, suit de nouveau Claude, sa très aventureuse jeune vétérinaire dans Les pumas. En stage au zoo de Saint-Louis, Claude se familiarise avec une diversité d’espèces, mais son cœur s’attache à deux bébés pumas. Mais quelqu’un s’est trouvé une raison de détester Claude et tentera de lui nuire en éliminant les deux chatons. L’enquête occupera dès lors plus de place que le travail vétérinaire. C’est dommage, car Claude s’y révèle d’une moindre rigueur.
Louise Simard, Les pumas, Pierre Tisseyre, Montréal, 2002, 160 p. ; 19,95 $.
L’album Atchoum, petit Sam ! d’Amy Hest et Anita Jeram, les parents doivent le garder à portée de la main en prévision du prochain rhume juvénile. Le sirop est d’un goût détestable et petit Sam n’en veut pas. La cuiller, en plus, est trop grosse ! La négociation est tendre, mais insistante. À la fin, Sam, résigné, avale sa potion. Le dessin, les couleurs, la neige qui tombe mollement, tout donne aux jeunes grippés un certain goût de l’héroïsme.
Amy Hest et Anita Jeram, Atchoum, petit Sam !, trad. par Pascale Jusforgues, Albin Michel, Paris, 2002, 32 p. ; 12,95 $.
Peu d’ouvrages de vulgarisation sur le règne animal offrent autant que l’encyclopédie À la rencontre des animaux de Geneviève Warnau. Tout en multipliant les photographies révélatrices (650), elle constitue un instrument de recherche et de consultation de maniement facile : index, regroupement par habitat, etc. Que d’informations utiles aux travaux scolaires ! Que d’heures épargnées aux parents qui accompagnent ces travaux !
Geneviève Warnau, À la rencontre des animaux, Scholastic, Markham, 2002, 301 p. ; 19,95 $.
Hier, autrefois ou ailleurs
Peut-être parce que les frontières culturelles deviennent poreuses, légendes et mythes de toutes tonalités s’offrent aux jeunes lecteurs. Plusieurs viennent d’auteurs dont la jeunesse s’est déroulée ailleurs ou selon d’autres imaginaires.
Christine-Claire Mallet dans Un squelette mal dans sa peau, ne voit pas pourquoi, et aucun enfant non plus, un jeune squelette ne quitterait pas sa tombe pour vagabonder un peu. Le problème viendra de l’apparence peu courante du jeune curieux. Le bouquin racontera, j’allais dire « de façon vivante », la conquête par le squelette d’une enveloppe respectable. Rien de morbide, les frissons nécessaires, quelques intrusions d’une magie presque toujours débonnaire. L’auteure guide ses jeunes lecteurs dans l’invraisemblable avec un doigté jamais pris en faute.
Christine-Claire Mallet et Romi Caron, Un squelette mal dans sa peau, De la Paix, Saint-Alphonse-de-Granby, 2002, 144 p. ; 8,95 $.
Magali Favre poursuit avec L’or blanc la trilogie amorcée avec À l’ombre du bûcher. Les mêmes jeunes héros se demandent cette fois pourquoi l’or blanc, ce sel essentiel à la vie, ne parvient plus à leur collectivité. Cupidité des intermédiaires ? Haine religieuse à l’égard d’une foi rivale ? L’enquête sera ardue, elle traversera l’inquiétant pays des loups, elle se terminera par un verdict rendu sous un pin plutôt que sous le chêne de saint Louis. Nous sommes en pays occitan, dans une autre France qui ose des mots colorés, originaux. Un lexique les décode.
Magali Favre, L’enfant des drailles, T. 2, L’or blanc, Boréal, Montréal, 2002, 134 p. ; 9,95 $.
Quand Un duc de Normandie, pour mauvaise conduite, est transformé en chien, mieux vaut, si le récit doit se dérouler dans l’exactitude et la bonne humeur, le confier au merveilleux conteur qu’est Daniel Mativat. Le duc Robert ne reprendra forme humaine qu’au moment où, à Jérusalem, les croisés ont besoin de lui. Encore ne sera-t-il humain qu’à temps partiel, le temps de rompre quelques lances avant de retourner à sa niche. Regrette-t-il sa conduite ou rêve-t-il surtout de la belle princesse auprès de laquelle il ne peut qu’aboyer ? Récit enlevé, souriant, racé.
Daniel Mativat, Le duc de Normandie, Soulières, Saint-Lambert, 2002, 93 p. ;8,95 $.
Certains personnages ne cèdent jamais aux tyrans. Ni la prison, ni la torture, ni l’humiliation ne brisent leur volonté. Jarzaban dans Jarzaban et le tyran de François David et Julie Baschet est de cette race digne et têtue. Le face à face entre le despote et le tenace héros adopte le ton épuré du conte oriental. Il en a la sobriété et la solennité. Quelques pages et quelques illustrations bellement stylisées suffisent à créer l’atmosphère.
François David et Julie Baschet, Jarzaban et le tyran, Albin Michel, Paris, 2002, 37 p. ; 12,95 $.
Parmi les réussites, Sur la piste du Diable d’Émilie Smac et Fabrice Wachter campe en bonne place. À première vue, l’idée de remonter le temps avec la jeune Aspirine pour interroger Galilée pouvait ressembler à n’importe quelle dérogation analogue. Dès les premières pages, cependant, un vent de fraîcheur souffle sur le projet et on se laisse porter par les rares qualités pédagogiques du bouquin. La couleur change et sert de signature, les pensées se logent dans des bulles, des flèches souples comme des lassos conduisent aux mots peu courants ou aux coutumes déroutantes. Pendant que Galilée et le grand-père causent comme de vieux copains, Aspirine, toujours les pieds dans les plats, réussit à subir un procès pour sorcellerie aux mains de l’Inquisition. Tout cela en deux heures de notre temps. Tout cela sans la moindre seconde d’ennui.
Émilie Smac et Fabrice Wachter, Sur la piste du Diable, De l’As, 2002, 235 p. ; 25 $.
Assez bonne cuvée. Quelques splendides réussites.