Des poèmes de luttes quotidiennes et de peines au cœur desquels l’amour fou et la nature sont les plus belles ripostes. Un premier livre étonnant.
Dans les poèmes qui composent Castagnettes, la voix est passionnée, séduisante, en proie aux amours qui font briller autant qu’à celles qui font tomber. L’écriture se fait élégante : « [J]’ai plusieurs caresses pour la suite / des larmes bandées / des semences anciennes / les doigts longs comme un débordement / ne me cherchez plus sous les décombres / j’occupe un palais endormi / lové dans ce qu’il reste des frênes », et par moments, très familière : « [Y]’a rien de plus crève-cœur / que des humains déguisés / en clowns / en sorcières / en magiciens / du monde avec du maquillage dans la face / qui passent une soirée de marde ».
On avance sur la ligne fine du désir, celle des masques que l’on porte en différentes occasions ; celle de l’immobilité aussi, qui peut faire pencher l’issue des histoires d’un côté ou de l’autre. Il y a de l’attente dans le recueil, de la tension, de l’érotisme. L’explosion n’est jamais loin, comme dans le poème « Craqueur de cou », où l’amour se montre ravageur, où la narratrice ne se possède plus et la violence de la voix est très marquée. Le jeu est souvent évoqué : jeu de rôle, de séduction ; mentir, tricher, offrir et reprendre. La poète est aux aguets : que veut-elle, qu’est-ce que l’autre attend d’elle et où se trouve une forme d’équilibre ?
La narratrice se retrouve dans une posture d’effort ; faire correspondre son désir à celui de l’autre. Elle se cogne à l’impuissance, prise au piège de l’émotion : « [J]’ai eu beau souffler / souffler / souffler / souffler / t’as jamais pogné en feu ». On est dans l’attirance, le fantasme, mais les poèmes renvoient souvent à un amour à sens unique qui ne peut se déployer. La paix s’installe quand les yeux sont fermés, comme le raconte le poème « Demi-sous-sol ».
À travers sa poésie, Marie-Élaine Guay s’offre avec générosité, est souvent laissée à elle-même, se plonge dans les eaux glaciales pour changer le mal de place (« Lessive »). Les rapports intimes et l’amour, parfois violents, ambigus et à contre-courant du quotidien, imprègnent complètement le livre. Tout comme l’esprit de la nature, qui est omniprésente : arbres, mer, algues, gravier, tempête, sauge, têtes de violon. Source tantôt de paix, tantôt de chaos, elle apporte néanmoins une belle unité au recueil, et Marie-Élaine Guay n’y résiste pas, elle se laisse emporter par sa puissance.
Si le livre est un ensemble de courts poèmes, où l’on suit davantage des instants, des impressions croquées sur le coup de l’émotion, il se termine sur une longue (et magnifique) suite intitulée « Les caraïbes saignent ». À travers les forces qui s’opposent tout au long de ce dernier grand poème, on retrouve l’ambiance de tout le livre ; le souffle s’y déploie pleinement, offrant une voix encore plus incarnée, à fleur de peau et solide.
CASTAGNETTES
- Del Busso,
- 2018,
- Montréal
76 pages
14,95 $
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