Ce polar se déroule à Nuuk, capitale du Groenland, dans un monde de glace partagé avec d’autres livres-cultes, tels Croc-Blanc de Jack London, Agaguk d’Yves Thériault ou Smila et l’amour de la neige du Danois Peter Høeg. Ses images de neige et de froid rappellent Atanarjuat, film canado–inuit de Zacharias Kunuk.
Mo Malø, dont le pseudonyme cache un auteur français connu, dit-on, met en scène l’inspecteur Qaanaaq Adriensen de la police de Copenhague. L’enquêteur mi-danois mi-inuit est à la recherche d’un ours meurtrier qui aurait commis un carnage. Qaanaaq rapplique aussitôt sur la terre de ses ancêtres, qu’il ne connaît pas vraiment, afin de donner un coup de main à la police locale débordée par cette situation quelque peu invraisemblable. Il sera assisté de l’inspecteur inuit Apputiku Kalakek. « Une histoire, il y en avait une, puisqu’il y avait des morts. Des histoires, Qaanaaq en trouverait, puisqu’il y avait eu des crimes. »
Quatre ouvriers d’une plateforme pétrolière ont été égorgés selon un modus operandi qui ressemble à l’attaque d’un ours polaire. Chaque fois, entre autres choses, on retrouve à côté des victimes un tupilak représentant l’esprit de Nanook, soit une statuette en ivoire de morse d’un ours qui « aide les âmes à voler ». Bizarre. Depuis quand les animaux sculptent-ils ?
L’enjeu de ces meurtres se situe plutôt dans le contexte politique et économique du pays, car un référendum doit avoir lieu sous peu pour libérer davantage Nuuk de la tutelle de Copenhague. Si les méchants du polar sont des Canadiens de Toronto, et pourquoi pas, l’auteur semble ignorer que le peuple inuit est le même, qu’il habite au Groenland danois ou au Nunavut canadien. Pourquoi alors deux poids deux mesures ? Les uns sont-ils pires que les autres ? « Brigitte Bardot […] avait mis dans le même sac les braconniers canadiens et les Inuits du Groenland. » De toute éternité pourtant, les chasseurs passent sans contrainte d’une terre gelée à l’autre via l’île d’Ellesmere.
Mo Malø a tout de même bien fait ses devoirs et a su croiser une intrigue policière – avec des aléas parfois discutables – aux revendications d’autonomie des Groenlandais ; ceux-ci veulent non seulement protéger leur langue et leurs coutumes, mais exigent aussi de maintenir un contrôle sur leurs ressources pétrolifères et leurs minerais. Fait non négligeable, le continent de glace détient le cinquième des réserves mondiales de pétrole brut.
La veine ethnique des polars ne semble pas vouloir se tarir en ce début de XXIe siècle et cette fois encore, le néophyte y apprend beaucoup. Qaanaaq n’arrive cependant pas à soulever le même niveau de sympathie que, par exemple, le commissaire mongol Yeruldelgger des polars d’Ian Manook. Et c’est bien dommage.
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