Vanessa Léger a étudié le journalisme et, manifestement, ce milieu l’a inspirée, tout comme l’Acadie dont elle est originaire. Premier roman de l’auteure, L’Averti est le nom du journal de Montpellier, une ville importante du Nouveau-Brunswick. Une ville imaginaire, habitée par des Acadiens et des anglophones.
Difficile de deviner où Léger l’a placée sur le territoire, mais elle est symbolique de l’affirmation des Acadiens alors que leur place est celle de subalternes des Anglais lorsque commence ce roman. Le cheminement de la famille Roussel vers la richesse et la puissance sera le symbole de la place que prendront les Acadiens dans la province, et leur journal, tout comme leur usine de pâtes et papiers, en seront la preuve.
Les personnages de cette saga sont nombreux et bien construits. Attachants, retors, brillants ou médiocres, évidemment beaux pour ce qui est des héros (sympathiques ou non), ils vivent intensément jusqu’au bout de leurs passions. Réussite financière pour certains, conscience sociale pour d’autres, parfois un peu des deux. C’est l’opposition entre ces deux pôles qui crée la tension du roman et relance l’intrigue. Le journal est au centre des débats de société : droits des femmes dont le droit de vote et leur place dans la société, exploitation des ouvriers, racisme, antisémitisme, guerre (celle de 1914), relations entre Acadiens et Anglais.
Le premier tome de ce qui s’annonce comme une trilogie débute avec la fondation du journal en 1854 par Auguste Roussel, dont hérite en 1870, un peu malgré lui, son fils Édouard, qui finira par faire sien le legs de son père, tout en développant l’usine. À son tour, Édouard cédera les rênes à son fils Preston en 1918. Si l’usine est la source de leur richesse, le journal est la passion du clan.
Comme le veut le genre, les personnages sont nombreux, tout comme les rebondissements. Tout tourne autour de la famille Roussel, du moins autour de ceux et celles qui ne quittent pas le Nouveau-Brunswick ; les autres disparaissent littéralement.
Parmi les personnages, les femmes sont particulièrement mises en avant-plan. Que ce soit les épouses, fidèles et dévouées à la carrière de leurs maris, ou, surtout, celles qui cherchent à s’affirmer autrement que dans le rôle traditionnel qu’on veut leur imposer. Ainsi en est-il de Maude Savoie, une cousine des Roussel, qui prend mari pour sauver sa famille de la pauvreté, mais qui divorcera, fera carrière comme journaliste et promouvra la lutte des suffragettes dans L’Averti ; de Charlotte, qui rêve de succéder à son père Preston à la tête du journal et qui réussit à imposer son désir à son père ; de Joséphine, une autre fille de Preston, qui fait ses études supérieures en droit au Québec alors qu’elle sait que les femmes ne peuvent pratiquer comme avocates dans cette province, mais qui est certaine d’arriver un jour à ses fins.
Les hommes sont bousculés par ces femmes et, comme Preston, plusieurs finissent par se ranger derrière elles, même s’il leur a fallu du temps. Paradoxalement, la résistance au changement vient de certaines femmes de la famille. Les conflits, les amours, les aventures extraconjugales, les drames pimentent le récit.
Reposant sur une solide structure, toute traditionnelle qu’elle soit, bien écrit, ce roman apporte un éclairage intéressant sur l’époque, l’Acadie et le mouvement féministe.
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