On dit de Chomsky qu’il est l’un des intellectuels les plus cités au monde. Son rayonnement hors du commun justifie d’ailleurs qu’on y réfère indifféremment par son seul patronyme, sans que cela porte à confusion.
Normand Baillargeon, dans l’introduction au collectif dont il assure la direction, raconte à propos de l’ampleur du legs chomskyen une anecdote voulant que plusieurs personnes de l’Europe de l’Est, dans les années 1980, croyaient avoir affaire à deux Noam Chomsky : l’un éminent linguiste de réputation internationale ; l’autre, militant anarchosyndicaliste, théoricien libertaire. Si l’homme est bel et bien un, on conçoit sans peine que la formidable étendue de sa production scientifique puisse en faire douter.
Pour prendre la fidèle mesure de l’héritage du distingué professeur au MIT, afin de traquer ses multiples empreintes dans des champs disciplinaires qu’il a refertilisés au passage, il a fallu à Baillargeon s’entourer de spécialistes de disciplines diverses. La politique étrangère américaine (Élisabeth Vallet et Frédérique Verreault), l’analyse idéologique des médias (Tristan Rivard et Karine Prémont), les liens entre la biologie et la linguistique (Anne-Marie Di Sciullo) et l’informatique (Richard St-Denis) sont tous des domaines où Chomsky peut prétendre avoir laissé sa trace, parfois en suscitant la controverse, en ébranlant les positions consensuelles et les consentements tacites fabriqués en douce.
Hommage à Noam Chomsky embrasse large, des sujets accessibles, mais aussi beaucoup plus pointus, ce qui est encore la meilleure façon de rendre justice à cet intellectuel au sens plein du terme. Regroupant des hommages proprement dits, de courts témoignages louangeurs de collaborateurs inconnus et des articles fouillés de spécialistes universitaires, ces miscellanées constituent une enrichissante introduction à la production d’un incontournable penseur contemporain. La palette de contributeurs de tous horizons (humoriste, pianiste, psychologue, journaliste, comptable, etc.) montre aussi le vaste et diversifié public qu’il a su rallier, notamment par sa sensibilisation à l’importance d’assurer son autodéfense intellectuelle, ce dont, peut-être, il faut le plus se réjouir. Chose certaine, chacun saura trouver son compte, selon ses intérêts particuliers, dans ce collectif éclectique.