Grande lectrice de romans policiers, admiratrice de l’œuvre de John Harvey, Claudette Boucher situe en Estrie, où elle a vécu pendant une vingtaine d’années, son troisième roman, Celui qui avance avec la mort dans sa poche. La couverture, sur laquelle apparaît comme une ombre une main qui tient un couteau, met d’emblée le lecteur dans une atmosphère propice au suspense. Quant au premier chapitre, qui raconte le meurtre du point de vue de la victime, l’agente d’artistes Sophie Plourde, il est d’une remarquable efficacité. En effet, la jeune femme est frappée d’un coup de couteau mortel, au moment où elle sort la tête de la cabine de douche du refuge ornithologique tenu par une vieille Mexicaine. Impossible de ne pas voir la référence à la scène la plus célèbre de Psychosed’Alfred Hitchcock. Impossible aussi de ne pas penser au roman d’Agatha Christie Dix petits nègres, alors que le meurtrier dispose en rang d’oignons dix tampons hygiéniques. Claudette Boucher dirige habilement son lecteur vers de fausses pistes : d’abord, celle du prédateur sexuel. Or, l’un des clients du Jardin du petit pont de bois a le physique de l’emploi. Yvon Rondeau, mari de l’ornithologue Francine, est un voyeur et il a photographié Sophie Plourde en petite tenue juste avant qu’elle ne prenne sa douche. Puis celle d’un escrimeur, le directeur du magazine Québec Nature, Nathan Galland, qui publie les photographies du mari de Sophie Plourde.
Claudette Boucher joue parfaitement avec les conventions du genre : mobile du crime, alibi, liens qu’entretenait la victime. Un indice aussi : une trace de cire d’abeille laissée par le suspect dont on n’apprendra que dans les dernières pages quel usage il en faisait. Toutefois, contrairement à ce que l’on voit dans beaucoup de romans policiers, ce n’est pas la perspicacité d’un enquêteur vedette qui permettra d’identifier l’assassin, mais une équipe de policiers compétents. La région dans laquelle a lieu l’homicide tient une place importante dans le récit. Isabelle Robles, la propriétaire du bed and breakfast, médite chaque soir dans le jardin qu’elle a aménagé près des mangeoires où toutes sortes d’oiseaux viennent picorer et son assistante, Eugénie Grondin, une jeune horticultrice, s’émerveille de la paix de la nature. Mais Stanstead, où Claudette Boucher a placé le motel, « est à cheval sur la frontière canado-américaine » et une simple ligne jaune sur le sol fixe les limites territoriales. La présence de cette voie de passage pour les migrants a permis à l’écrivaine d’élargir son sujet en inscrivant son livre dans une problématique actuelle. Polar passionnant, Celui qui avance avec la mort dans sa poche est aussi un roman qui suscite la réflexion.
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