Chantre d’une époque assombrie, désenchantée et souvent meurtrissante, François Guerrette poursuit avec Constellation des grands brûlés– son cinquième ouvrage depuis la parution de son premier livre en 2009 – l’inventaire des pertes et des peines qui nourrissent les désirs de violence et de rédemption.
Avec la constance du coureur de fond et la fulgurance du kamikaze, Guerrette, tel un Nelligan postmoderne, façonne « dans [sa] jeunesse noire » un verbe à la fois lyrique et résolu qui s’élance et se déploie en « petites esquisses / de cataclysmes ».
Récit d’un amour vortex imbriqué dans l’aventure d’une militance sans retour, Constellation des grands brûléssonde le sujet des élans ataviques et des furies dévastatrices dont les échos résonnent autant dans les sphères intimes que collectives : « [L]es tireuses d’élite parlent / de nous dans ta tête, elles savent / à quelle profondeur tu formes / ton armée en faisant l’amour / aux pires animaux en moi ». Jouant sur les registres de l’expression (« je ») et de l’interpellation (« tu »), Guerrette fait surtout se fondre les voix en un « nous » polysémique qui évoque aussi bien les deux amants insoumis dont il est question que la communauté potentielle qui s’y reconnaîtrait. « [L]a noirceur est notre capitale », déclare-t-il avant d’affirmer à la manière d’un avertissement : « [N]ous sommes une agression ».
Évoquant révoltes, émeutes, bagarres et, dès ses tout premiers vers, « un printemps / plus large que le chemin menant au printemps », le recueil rappellera à nombre de lecteurs les manifestations ayant marqué le Québec en 2012. Il pourra aussi faire penser à Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau, le récent film deMathieu Denis et Simon Lavoie, avec lequel il partage la même intensité radicale ; « nous menons des vies imbibées d’essence », constate le locuteur, précisant à l’intention de sa compagne : « [T]u es à ta place partout / où les ambulances te donnent / des nouvelles de nos amis ».
Œuvre forte, Constellation des grands brûlésrecèle cependant quelques passages appuyés, appesantis semble-t-il par leur charge logique, voire idéologique comme en font foi ces vers : « [N]ous perçons / le secret des banques / en gagnant notre vie avec / notre bénévolat dans l’émeute ».
Heureusement, les lecteurs familiers de la poésie de François Guerrette retrouveront dans cette nouvelle offrande l’incandescence et le souffle habituels de l’auteur, le même univers référentiel également, où les étoiles et les oiseaux tournent au-dessus des êtres comme autant d’espoirs d’arriver un jour à conjurer le mauvais sort. Si le monde est inquiétant et l’amour parfois douloureux, reste « la solution / aux épidémies à venir // l’émerveillement // notre unique monnaie d’échange / pour survivre au lents combats ».
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