Au fil des pages, on a un peu l’impression de lire un Marc Aurèle contemporain. Pas tant pour le fond que pour la forme : enchaînement de textes plus ou moins longs (parfois une seule phrase, parfois plusieurs paragraphes) exposant des pensées qui semblent à la fois être venues spontanément à l’auteur et être le fruit d’une longue réflexion.
Mais contrairement à Marc Aurèle, le destinataire n’est pas l’auteur : on sent constamment le besoin de communiquer, et on a même souvent l’impression qu’il lui tardait de diffuser son point de vue sur tel ou tel sujet, notamment son éclairante – et originale – position sur la sempiternelle question : « Qu’est-ce qui empêche Hamlet d’agir ? »
Ah, oui, car c’est surtout d’un amoureux de Shakespeare qu’il s’agit. Et pas un amoureux tiède : « Être capable de lire sans tenter de lire Shakespeare, même en traduction, c’est comme visiter un pays sans voir son plus grand monument ». Ainsi, au fil des différents sujets traités de façon plus ou moins sporadique – mais regroupés par thèmes –, Shakespeare sert de fil d’Ariane dans diverses réflexions sur la condition humaine mais aussi sur l’importance de la littérature et le rôle de l’université. D’où le titre, qui fait référence à ce personnage de Comme il vous plaira qui incarne le juste mélange entre l’attitude en amour qui consiste à jouir dans l’immédiat sans chercher l’attachement, et celle qui consiste à idéaliser le partenaire au point d’en être réduit à la stérilité. « L’amour est un jeu, mais un jeu que l’on doit jouer avec sincérité. » Vu la place d’honneur faite à ce personnage sur la page couverture, on peut supposer que l’auteur voit dans cette orientation non seulement une leçon pour l’amour, mais aussi pour la vie.
Cela dit, Shakespeare n’est pas le seul invité au banquet philosophique de Mustapha Fahmi. Ce professeur de littérature à l’Université du Québec à Chicoutimi y convie aussi pour nous, entre autres, Tchekhov, Dostoïevski, Nietzsche et Freud, sans oublier Cervantès, dont le Don Quichotte recèle pour lui une autre leçon de vie des plus profondes : si le protagoniste meurt à la fin, c’est parce qu’il est « tout simplement incapable de vivre parmi des personnes qui refusent de le voir comme il se voit ».
Un beau recueil de réflexions, donc, qui nous fait le cadeau du succinct, même si les thèmes abordés et la profondeur, l’humanité et l’érudition de l’auteur montrent clairement qu’il pourrait nous en servir beaucoup plus.
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