Rigueur et bon goût, constance et lucidité, raffinement et conviction, tel est l’investissement d’Anne-Marie Sicotte dans un livre-album qui est à la fois un travail historique, un modèle de clarté politique et une œuvre d’art.
Au cœur de la démarche de l’auteure, c’est l’incompréhension tenace des Québécois au sujet des gestes des patriotes. Anne-Marie Sicotte n’en peut plus de voir le Québec réduire la « rébellion » de 1837 à un conflit entre deux groupes linguistiques ou à l’utopie naïve et même coupable d’une poignée d’intellectuels entraînant le bon peuple dans une révolte armée vouée au massacre. Relisant l’histoire et consultant archives et documents, elle rétablit les faits : d’une part, un noyau dur de fanatiques anglophones prive la société québécoise de ses droits et intoxique Londres de rapports trompeurs ; de l’autre, la majorité francophone ne demande que l’application des accords conclus dans le sillage de la Conquête. Si violence il y a de la part des patriotes, c’est en réplique à la voracité d’une minorité anglophone violente et par exaspération devant la corruption et le népotisme. Si cette minorité plaide si puissamment une cause injuste, c’est grâce à l’appui d’intervenants en contrôle des leviers de commande, comme l’est le Montreal Herald.
Comme il fallait s’y attendre, Durham fait partie de ce jeu tragique. Le rôle que lui attribue l’auteure diffère pourtant quelque peu de celui qu’on lui prête le plus souvent : Londres le blâme de n’avoir pas utilisé à fond son pouvoir d’amnistie. Alors qu’on lui demandait « d’amnistier les prétendus traîtres, à condition de punir les plus coupables pour l’exemple », Durham n’a accordé qu’une amnistie « bancale et bâclée ». Sans doute sous la pression de la clique du Château. Les ultra-tories de la colonie veillèrent à édulcorer l’application des ordres londoniens et donnèrent plutôt carte blanche à Colborne et à ses sbires.
Une généreuse et savoureuse iconographie ajoute son poids à un plaidoyer articulé et fiable : les Québécois y vaquent à leurs activités, traitent avec les Autochtones, apprécient la générosité de la nature et multiplient jusqu’à plus soif les appels à l’équité du conquérant. Les armes ne parlent qu’en désespoir de cause. Magnifique démonstration.
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