Initialement, la Charte de la langue française devait promouvoir l’épanouissement du français au Québec, notamment dans l’affichage commercial, mais aussi en incitant les enfants de l’immigration (sauf les anglophones et leur famille) à fréquenter l’école francophone.
Cette mesure juridique d’intégration était rendue nécessaire puisque de son côté, le gouvernement fédéral n’avait jamais pu empêcher l’anglicisation du Québec, ni du Canada. Or, la Charte de la langue française a souvent été affaiblie par les tribunaux qui appliquaient à la lettre les lois fédérales, la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés. Dans les 26 causes étudiées ici, ce sont des juges non élus qui ont invalidé la « loi 101 » ou forcé sous de multiples prétextes son affaiblissement alors qu’il s’agit pourtant d’une loi votée par nos élus à l’Assemblée nationale du Québec. L’avocat Éric Poirier donne un bilan exhaustif de cette loi datant de 1977, mal connue même des Québécois et si souvent contournée, déboutée en cour et toujours décriée au Canada anglais puisqu’elle veut empêcher l’anglicisation du Québec. D’ailleurs, force est de constater que depuis la Confédération de 1867, les droits linguistiques des francophones ont constamment reculé, comme le prouvent les données démographiques (par exemple les études de Charles Castonguay) confirmées par la place toujours diminuée du français au Canada, particulièrement dans les villes.
Ce qu’il reste de la loi 101 nous enseigne que tous ces verdicts sont éminemment subjectifs. En comparant les décisions et les interprétations des tribunaux, Éric Poirier montre les limites du Québec en tant que province soumise aux lois fédérales et à la Constitution canadienne, que le Québec n’approuve toujours pas. Il cerne les origines de ce problème généralisé : l’idéologie influente d’un maître à penser américain, Ronald Dworkin (1931-2013), de qui se sont inspirés beaucoup de juges canadiens pour asseoir leurs jugements. L’influence disproportionnée de ce penseur est ici démontrée.
Expert des droits linguistiques, Éric Poirier évite de politiser le débat, mais son constat est accablant quant au déséquilibre entre la portée des décisions des juges fédéraux et la vulnérabilité de la « loi 101 » ; on sent qu’il faudrait tout un autre livre pour élaborer des stratégies pouvant contrer les dispositions de la Constitution canadienne qui contredisent cette loi. Pourtant, personne ne saurait accuser le gouvernement québécois d’agir anticonstitutionnellement dans un dossier aussi légitime que la protection du français.
Sur le plan éditorial, on reprochera seulement l’absence d’un index et celle d’une annexe récapitulant en un seul tableau les 26 jugements et arrêts ayant infirmé la « loi 101 » et décrits tout au long de ce livre important, qui certainement fera date.
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