Après Cookie (2008), qu’elle voyait comme le pendant féminin de la série télévisée Les Invincibles, et Les bouteilles (2010), où elle s’intéressait à la solitude des gardiens de phare, l’écrivaine et intervenante sociale Sophie Bouchard signe un troisième roman, consacré cette fois à la dysphorie du genre et à la transsexualité.
Jeanne relate l’histoire d’une femme née dans un corps d’homme et qui, faute de pouvoir assumer sa véritable identité, s’est constitué un personnage de « mâle alpha » et de bon père de famille. Mais un jour, Jean Martin estime que le jeu a assez duré. Il décide, contre vents et marées, d’assumer pleinement la femme qu’il a toujours été. Jean devient alors Jeanne. Une grande partie du roman de Sophie Bouchard consiste à décrire le mur d’incompréhension auquel le personnage va dès lors se heurter de la part de sa femme, de ses deux fils, de sa mère, de ses frères et sœurs, de ses amis et de certains collègues de travail. Sa femme, Doris, est la plus hostile ; elle cherchera à lui faire payer très cher ce changement de vie. Sa mère, Amélia, prend le parti de Doris. Rien d’étonnant à cela : elle a toujours manqué d’empathie et n’a jamais pris au sérieux les signaux que lui envoyait son étrange benjamin. Les deux fils, Dominic et Maxime, auront toute une série d’étapes à franchir avant d’accepter leur « mère no 2 ».
Comme étude psychologique, Jeanne est très réussi. Sophie Bouchard retrace de manière très crédible et assez touchante les peines, les humiliations, les préjugés, mais aussi les espoirs et les joies que traverse la narratrice. En ce sens, Jeanne est un ouvrage important. L’auteure montre qu’il faut parfois se préparer à tout perdre si l’on souhaite être pleinement soi-même. Sur le plan littéraire par contre, la réussite paraît moins éclatante. La romancière écrit de façon juste et colorée, mais son livre est trop long. On a souvent l’impression d’y retrouver de mêmes idées et de mêmes informations formulées différemment. De telles redondances auraient pourtant été faciles à éliminer. En revanche, les mini-chapitres intitulés « Scénario catastrophe », « Avance rapide » et « Portrait » dénotent d’excellentes dispositions à la mise en forme narrative.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...