Zacharie Desforges habite Saint-Lude, un patelin fictif sur lequel règnent les Charron, une bande de mafieux abrutis trempant de père en fils dans toutes sortes de combines depuis l’époque de la prohibition.
Quand Mario « Butch » Charron, le dernier rejeton de cette lignée de cul-terreux, force Zach à mettre dans sa bouche cette excroissance malodorante dont il se détourne in extremis, une décision s’impose sans plus tarder : rester pour faire face à la très persuasive violence du jeune pervers sexuel ou répondre à l’appel des vestiges toltèques du Mexique. Encouragé par un père psychologue très ouvert d’esprit, l’adolescent quitte le domicile familial, laisse derrière lui Niquette, sa sœur cadette, et le souvenir de sa mère décédée d’un cancer quelques années auparavant.
Entièrement construit sur le topos de la rencontre, son voyage à travers les États-Unis présente une suite de personnages typés auxquels il revient d’incarner un comique de caractère. Chaque nouvel arrivant suspend donc de façon systématique la quête de Zach pour faire le récit de son existence. Défilent ainsi, entre autres, un ex-membre du FLQ et une hypocondriaque, une troupe de nains suédois dans un autobus bariolé et une « artiste du poteau » diplômée de la Sorbonne. À Providence, une Québécoise nommée Abby se joint à l’adolescent et forme avec lui un couple qui, somme toute, n’intéresse qu’accessoirement François Jobin. Car le romancier préfère tourner son regard vers les « capotés » qui peuplent la merveilleuse Amérique de Trump, leur laissant la parole au détriment d’un héros qui se fait peu à peu oublier.
La stratégie du routard en moraliste était une idée prometteuse. Une telle enfilade de portraits aurait pu tramer la courtepointe sociale d’un land of the free secoué par la montée de l’islamophobie et du populisme xénophobe, ce qui ressort d’ailleurs de l’ensemble. Mais la caricature l’emporte souvent, ce qui en fin de compte donne une courtepointe cousue de fil blanc. Accrocheuse et séduisante, l’écriture compense. La phrase est d’une fluidité proche de l’automatisme et de belles trouvailles langagières émaillent le texte : l’élégance se fait alors « errolflynnienne » tandis qu’un bruant peut « frédériquer » sa joie de vivre. Une virée américaine est un roman de la route cahotant, une sorte de conte pour tous en mode trash livré dans un enrobage de réalisme magique.
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