Contrairement à ce que son titre indique, le huitième roman de Laurent Seksik ne porte ni sur l’écrivain Romain Gary ni sur sa décision de rallier les forces de la France libre en juin 1940.
Le récit – qui reprend la même formule narrative que Les derniers jours de Stefan Zweig et Le cas Eduard Einstein, à savoir la tranche de vie romancée – se déroule principalement sur deux journées de janvier 1925. Romain Gary s’appelle alors Roman Kacew. Âgé de dix ans et demi, il vit avec sa mère dans un appartement du ghetto juif de Wilno. Leur situation financière n’est guère reluisante. Criblée de dettes, Nina compte sur la vente de vieux livres et de bijoux ayant prétendument appartenu à la famille du tsar pour leur éviter l’expulsion. Roman, de son côté, souffre de l’absence de son père, l’artisan fourreur Arieh Kacew, parti vivre avec Frida Bojarski, sa maîtresse. Espérant le retour à la vie familiale d’autrefois, le jeune garçon ne soupçonne pas la trahison paternelle qu’il va bientôt découvrir.
Quiconque est familier avec l’univers de Romain Gary concédera à Laurent Seksik qu’il tenait là un sujet en or. Le rapport de Gary à son père est en effet resté une question sensible chez lui, cerclée de zones d’ombre. Dans l’ensemble, Seksik exploite bien son matériau. Il recrée les circonstances biographiques de manière à dégager un point de bascule : le moment où le jeune Gary comprend que son père ne reviendra pas. Alternant les points de vue de Nina, de Roman et d’Arieh, le romancier présente une reconstitution plausible des faits. Il ne force jamais le trait, surtout en ce qui concerne la mère de Gary. On reconnaît la protagoniste de La promesse de l’aube tout en lui découvrant un aspect plus fragile. Or tout n’est pas réussi dans ce livre. Seksik a laissé échapper un anachronisme en évoquant le chef-d’œuvre de Boulgakov Le maître et Marguerite comme déjà paru en 1925, alors que sa rédaction ne devait débuter que deux ans plus tard et s’étaler sur une douzaine d’années. Faille mineure, certes, mais le découpage chronologique laisse finalement assez perplexe. En se limitant à 48 heures dans la vie de Roman Kacew, Seksik a considérablement réduit la portée de cette quête du père. Quand on songe que Gary, plus tard, s’inventa un père avec la même énergie que pour bâtir sa propre légende, ce choix n’en devient que plus discutable.
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