Libraire de métier, Éric Forbes est natif d’Amqui, une municipalité baignée par la Matapédia où se déroule un peu moins de la moitié de son roman paru dans la collection « Noir » des éditions Héliotrope.
Étienne Chénier, le personnage principal, en est également originaire, en plus d’être lui aussi libraire de métier et de se passionner pour le roman noir, les Mankell et Manchette de ce monde. D’où le défilement de références et d’allusions au genre, ainsi que la haute teneur en réflexivité de ce premier polar fort maîtrisé.
Amqui, c’est également « là où l’on s’amuse » en langue micmaque. Or, quand l’ex-taulard débarque dans son village natal, Glock en poche et prêt à tout faire péter, la fête prend un tour plutôt sanglant pour certaines grosses légumes locales. Il faut dire que quatre ans à Bordeaux lui ont donné tout le temps de ruminer son plan. Aussitôt sorti de prison, Chénier doit pourtant se frotter à des gens qui lui en veulent, aux matamores du Gang de l’Est ou des Road Warriors. L’accumulation de victimes éveille les soupçons des sergents-détectives Denis Leblanc et Sophie Duguay, qui suivront la piste de Chénier jusqu’au Bas-Saint-Laurent.
Au cours de cette descente dans les bas-fonds marécageux du monde interlope, là où de souterraines passerelles communiquent avec les coulisses de la politique, il est interdit de cligner de l’œil. Car les personnages et les noms affluent de toutes parts, du crime organisé comme de la GRC, de la famille, proche et éloignée, du fugitif comme de celle, tragiquement disparue, de Leblanc. Des pistes secondaires viennent donc court-circuiter la quête de vengeance personnelle de Chénier et cette nébuleuse histoire d’inceste enfin révélée au terme d’une escalade de violences.
Pour le guider à travers ce labyrinthe d’intrigues, Forbes peut compter sur une solide connaissance des ficelles du genre. À ce titre, le flic qui se cuite jusqu’au petit matin pour endormir ses démons ainsi que l’enquêteuse monoparentale et surmenée nous entraînent d’ailleurs en terrain connu. Mais les purs et durs diront que la réussite d’un bon roman noir réside dans l’équilibre entre innovation et fidélité à la tradition. Et quand ce polar offre des dialogues animés d’une vive repartie, en plus de trouver le moyen de faire sourire à l’occasion, le lecteur ne peut qu’éprouver une pleine satisfaction au moment de le refermer.
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