Bertrand Gervais poursuit depuis plusieurs années une carrière de professeur de lettres à l’UQAM, alternant publications scientifiques et romans souvent empreints des questions traitées par l’essayiste. Spécialiste, entre autres domaines, de littérature américaine, le prolifique polygraphe revient à la charge avec un roman sur la guerre, ou plutôt, sur les guerres.
Les petites, personnelles et privées ; les grandes, de portée nationale, voire mondiale, de celles que l’on transpose au grand écran et dont on pleure les victimes à coups de monuments commémoratifs. Son roman intègre d’ailleurs plusieurs descriptions de scènes d’anthologie empruntées à Cimino, Coppola et Kubrick, trois pointures du cinéma ayant traité du conflit vietnamien.
Au départ, un froid amoureux, une histoire de cœur qui bégaie. À défaut d’une thérapie de couple, le narrateur de La dernière guerre s’offre un road trip curatif aux États-Unis. Mathy siège à ses côtés, à la place du mort, remontée et fragile comme une bombe susceptible d’exploser à la moindre remarque. La femme préfère donc faire la moue quand son partenaire se dirige vers le Vietnam Veteran Memorial de Washington, contempler les 150 mètres de granit noir érigés à la mémoire des vétérans du Vietnam. Sur le mur, un nom, Edward D. Henry, attire son attention sans qu’il puisse s’expliquer pourquoi. Puis la révélation frappe, une manifestation inattendue « de la vie secrète des événements » : Henry, comme sa grand-mère paternelle, Louisa Henri, la mère de son père, un alcoolique extravagant rebaptisé le Monstre à son insu.
Le narrateur est ainsi projeté vers le passé, confronté aux souvenirs subsistants de cet ennemi intime, et l’on comprend alors que la guerre sert de métaphore fondatrice à l’œuvre. Le Vietnam, le comportement belliqueux du père, les tranchées du quotidien avec Mathy, la lutte de Maya Lin, architecte du Veteran Memorial, pour faire accepter son projet de mur, les multiples détails didactiques qui trahissent une déformation professionnelle du professeur ou un retour subreptice de l’essayiste, tout se tient, se fait écho, se réverbère dans cette dynamique agonistique qui occupe bientôt tous les fronts. Jusqu’à la forme elle-même, morcelée comme les balles d’un shrapnell, qui vient rappeler que la bataille est aussi une affaire de disposition stratégique.
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