Annoncée par les mythes de Prométhée et de Faust et par le travail des alchimistes avant de subir d’importantes transformations à l’ère des expérimentations nazies et de la bombe atomique, la figure du savant fou domine la science-fiction.
Du lunatique au génie du mal, on le retrouve dans les grands classiques du xixe siècle signés Mary Shelley, Edgar Allan Poe, Jules Verne, Robert Louis Stevenson et H. G. Wells. De Frankenstein à L’île du docteur Moreau, ces textes ont fourni un modèle narratif qui revient partiellement dans les productions contemporaines. Il revient partiellement parce que le paradigme a changé au milieu du xxe siècle. Le savant fou est alors sorti de l’isolement qui le caractérisait pour tenter d’altérer un monde qu’il jugeait imparfait.
Dans cet essai qui émane d’une thèse de doctorat, l’auteure retrace l’évolution de la figure du savant fou à partir de quatre romans : Et on tuera tous les affreux (1948) de Boris Vian, Le berceau du chat (1963) de Kurt Vonnegut, L’autre île du docteur Moreau (1980) de Brian Aldiss et Le dernier homme (2003) de Margaret Atwood. Ce corpus est bien choisi, car il permet à l’auteure de se pencher sur quatre figures significatives. Markus Schutz, dans le récit de Vian, poursuit des travaux eugénistes dans l’espoir de faire disparaître la laideur. Felix Hoenikker, chez Vonnegut, évoque ce que Després appelle « le savant-outil », c’est-à-dire le savant qui, même sans intentions machiavéliques, constitue un grand danger puisqu’il met son génie et son savoir au service de gens puissants et malintentionnés. Mortimer Dart, chez Aldiss, est un monstre qui fabrique des monstres. Généticien atteint d’une malformation congénitale, il travaille à créer une « sous-race » d’Hommes bêtes. Enfin Crake, dans le récit d’Atwood, engendre lui aussi une nouvelle espèce, les « Crakers ». Ceux-ci ont pour fonction de remplacer les êtres humains. C’est ce que Després appelle « la posthumanisation du monde ». La notion de posthumain est cruciale ici. Després lui a d’ailleurs consacré, avec Hélène Machinal, un important volume d’études en 2014 (Posthumains : frontières, évolutions, hybridités, Presses universitaires de Rennes).
Sans aridité ni jargon, Elaine Després propose une analyse riche et captivante. À la lire, on ne s’étonne pas que la Société royale du Canada lui ait décerné en 2014 la prestigieuse bourse Alice-Wilson. Il s’agit de toute évidence d’une brillante chercheuse.
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