Spécialiste de littérature, auteur d’une thèse portant sur les représentations du romancier américain depuis Melville jusqu’à DeLillo, Daniel Grenier a soufflé tout le monde en 2015 avec L’année la plus longue. Après avoir ravi le Prix littéraire des collégiens, son premier roman a été traduit en anglais et ses droits ont été rachetés en France par la prestigieuse maison Flammarion.
Dans La solitude de l’écrivain de fond, un essai minimaliste et bien personnel sur l’art de la fiction, il revient sur son parcours littéraire, sur les auteurs significatifs qui l’ont jalonné, dont un certain Wright Morris, le plus illustre des écrivains inconnus, double lauréat du National Book Award tombé aujourd’hui dans un oubli complet.
En un peu plus de 80 pages, l’auteur mène donc une réflexion portant sur deux principales préoccupations : l’écrivain Daniel Grenier et l’écrivain Wright Morris. Les détours par l’œuvre de l’Américain ouvrent sur un dialogue fécond entre la pratique des deux hommes, creusent les « affinités profondes » qui les unissent. Qu’il séjourne à Paris ou soit de passage dans une librairie du Vermont, Grenier marche littéralement dans les traces de son prédécesseur. Aussi se posera-t-il des questions venues le hanter, lui et peut-être tous les écrivains confrontés à la nécessité de créer : pour qui écrire et pourquoi continuer de le faire ? Pour la postérité ? Pour la gloire ? Pour le plaisir de raconter ? Finalement, l’exercice met au jour la dynamique de l’éponge et de la sangsue qui sous-tend l’échange littéraire : le romancier se nourrit de lectures qui sont autant d’apprentissages fertiles et de petits vols d’identité.
Elle persiste tout de même un peu, cette impression de rester sur notre faim, tant à l’égard de ce côté voyeur éveillé par l’approche réflexive du bilan personnel que par rapport à l’initiation à l’œuvre de Morris, à cette tentative de lui redonner sa place dans l’histoire littéraire, mandat que l’essayiste confie s’être fixé. Peut-être la volonté pressante de surfer sur la vague de reconnaissance suscitée par L’année la plus longue a-t-elle imposé le format de La solitude de l’écrivain de fond ? Après tout, la notoriété doit s’entretenir, le succès est une bête qu’il faut alimenter. À défaut de quoi, laissée à elle-même, elle menace de disparaître dans la plus totale indifférence. Parlez-en à Wright Morris.
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