Avant de disparaître en octobre 2015, l’immense Henning Mankell a trouvé la force d’écrire un dernier roman, Les bottes suédoises, terminé peu avant sa mort. L’auteur avait reçu un diagnostic de cancer début 2014 et cette année-là, pendant ses traitements de chimiothérapie, il avait écrit ses mémoires. L’ouvrage Sable mouvant, Fragments de ma vie était devenu son testament, aux forts accents autobiographiques. Arrivé au bout de sa vie, Mankell a voulu faire un ultime retour à la fiction et partager ses dernières réflexions sur la vie, la vieillesse et la mort. Et l’espoir.
« Le présent récit est la suite indépendante du roman Les chaussures italiennes », précise l’auteur en début de livre, quoiqu’on retrouve avec plaisir les personnages déconcertants des Welin, père et fille. Exilé sur un îlot de la mer Baltique, Fredrick, le médecin retraité et accusé de faute professionnelle grave, a maintenant 70 ans. Il vit de peu, isolé, mais solidaire de sa petite communauté. Une nuit d’automne, il perd tout dans un incendie. « L’aube s’est levée sur un spectacle de désolation. La belle maison de mes grands-parents n’était plus qu’un amas de ruines nauséabondes. » Ce sera une perte totale, il ne lui reste que deux pieds gauches de bottes en caoutchouc. « Je n’avais même plus une paire de bottes qui m’appartienne. »
Une fois établi le triste constat de ne plus rien posséder, ni souvenirs familiaux, ni petits objets du quotidien, ce sera dans une atmosphère de mer démontée et de tempêtes rugissantes que Welin devra rebâtir sa vie. Et tenir jusqu’au prochain printemps. Quelques personnes permettront à son cœur vieillissant de s’émouvoir encore, par amour, par solidarité ou par amitié, dont son étrange fille au parcours étonnant, une journaliste avec laquelle il entretient une improbable relation et son fidèle ami hypocondriaque, l’ancien facteur de l’archipel.
On tombe sous le charme de l’univers nostalgique et nordique de Mankell et on revisite avec lui plusieurs des préoccupations sociales que l’auteur aura dénoncées jusqu’à la fin. Le docteur Welin est confronté au racisme et à la xénophobie, à la déliquescence sociale et à la réalité des laissés-pour-compte, à la peur malsaine, mais aussi aux forces positives de l’altruisme et de l’entraide. « Nous étions une trentaine à courir en tous sens en criant, armés de seaux et de tuyaux d’arrosage. »
Le médecin dépossédé et un peu bougon aura à reconstruire non seulement sa maison, mais ce que sera le reste de sa vie, socialement et moralement. « J’ai contemplé en passant le pommier que j’avais lavé à l’eau et au savon noir. Il avait retrouvé sa couleur d’origine, mais je ne savais pas s’il porterait un jour des fruits. » L’optimisme prudent de Mankell l’accompagne jusqu’à son départ que plusieurs pleurent encore.
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