On le sait, l’immigration a fortement façonné notre paysage social depuis 30 ans. Cela n’est pas sans conséquence, comme on le constate avec la percée des mouvements dits populistes, aux États-Unis comme en Europe, qui fondent leur propagande sur le trop grand afflux d’« étrangers ».
Au Québec, une importante population arabophone a pris racine, qui vient notamment du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc), attirée ici en raison du français, sa langue seconde. C’est sans compter que les immigrants de ces pays ne se sentent plus les bienvenus en France, leur pays traditionnel d’émigration.
Étonnamment, la présence arabophone remonte aussi loin que le XIXe siècle, soit 1882 à Montréal, rappelle Houda Asal, chercheuse d’origine française qui s’est intéressée aux porte-voix de la communauté arabe au Canada jusque dans les années 1970.
L’auteure note que les arabophones, pour beaucoup des commerçants chrétiens tenant de petites boutiques familiales, se sont initialement regroupés, sans surprise, autour de leurs institutions religieuses. Mais sur le plan politique, ils se sont beaucoup positionnés dans un « entre-deux », une « position intermédiaire », oscillant entre la volonté de se « rapprocher de la catégorie majoritaire » et le choix de « résister plus frontalement à ces catégories en dénonçant le racisme dont elle était l’objet ».
La période d’affirmation politique se consolide à partir de 1967, avec la guerre des Six Jours : la communauté cherche alors à se donner davantage de visibilité et un poids politique qu’elle n’a pas encore vraiment obtenu. Elle est aidée en cela par la mise en place du multiculturalisme au Canada et par l’importance accrue du conflit israélo-arabe, qui occupe le devant de la scène internationale.
Le portrait change considérablement au tournant des années 1980. La plupart des migrants arabes arrivent au Canada après cette période, ce qui entraîne une diversification, et une plus grande hétérogénéité, de la communauté. Des arabophones de la Syrie-Liban de religion chrétienne, on bascule, notamment dans le cas du Québec, vers une immigration arabophone venant du Maghreb, de religion musulmane. Ce qui accentue la fragmentation, l’absence de cohésion de la mobilisation arabophone, qui est une des faiblesses historiques de la communauté dans son action communautaire et politique au Canada.
L’image de la communauté aussi en prend un coup, en raison du terrorisme utilisé par les Palestiniens dans leur lutte contre Israël, puis par les radicaux islamistes, et qui force les activistes arabophones à « militer dans un climat de suspicion », analyse l’auteure.
Résultat ? La place des Arabes au Canada « semble plutôt s’être dégradée » depuis 130 ans : les Arabo-musulmans « font désormais partie des groupes les plus stigmatisés au Canada ». Mais l’auteure ne nous laisse pas sur ce constat négatif : la mobilisation reste active et efficace au sein de la communauté, bien que le défi auquel elle fait face reste titanesque… et d’autant plus urgent depuis le macabre attentat dans une mosquée de Québec en ce début d’année 2017.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...