Avec Le Grand Feu, Georgette LeBlanc continue d’explorer le passé de son « pays », tout en le réinventant et, d’une certaine façon, en le réactualisant. D’un livre à l’autre, elle tente de saisir différentes facettes de ce qui caractérise « son » peuple.
Sa démarche repose sur la langue et l’histoire, l’une nourrissant l’autre. Une langue toujours habitée par une longue tradition héritée du passé et préservée par l’isolement de ce petit peuple d’Acadiens réfugiés dans la baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse. Après avoir raconté l’histoire d’Alma, d’Amédé et de Prudent – qui donnent leurs noms à autant de recueils –, l’auteure nous offre celle de Cécile. Ici, l’anglais se mêle à la langue vernaculaire, créant un effet qui la rapproche par instants du chiac. Aussi, quelques anachronismes créent une confusion temporelle alors que l’action se situe au début du XIXe siècle, ce qui n’est pas sans rappeler l’univers des conteurs actuels.
Orpheline, Cécile doit partir vers les « vieux pays » avec son oncle, roi de Naples. Mais elle aime Jean-Baptiste. Un amour partagé, qui se heurte toutefois à ce que le destin lui impose. Quel âge a-t-elle ? Adolescente sans doute, elle qui étudie à « l’Académie ». Un doux flou baigne toute l’œuvre. Les paysages, les lieux, les personnages sont esquissés dans une approche plus impressionniste que réaliste. Il s’en dégage un vague à l’âme qui pourrait être celui de Cécile.
Cécile, qui se veut poète, découvre l’écriture en s’aventurant sur des chemins inédits : « Rien de ce qu’elle écrivait ressemblait / à ce qu’on lui avait appris à l’Académie / structures, charpentes des lettres, tout / dégringolait sous ses doigts, ses mains / à trébucher ». Ce qui correspond également à la démarche de Georgette LeBlanc.
Un conte naît, mais on ne sait trop qui en est le narrateur : Georgette, qui traduit la poésie de Cécile ? Cécile, elle-même inspirée par le Dragon qui habite le lac, ou encore par ce curieux Djâble qui a pour nom Célestin (remarquez l’opposition entre enfer et ciel), Trahan, ex-cordonnier devenu tymeux, ou encore par la Dame, Tycoon (grande princesse) du lieu, qui s’appelle plus prosaïquement Marguerite Thériault.
Ce grand feu qui éclatera à la toute fin est plus celui qui jaillit de la force créatrice de Cécile que le feu historique de 1820 qui a ravagé une partie de la région. Georgette LeBlanc transforme l’histoire en légende, chantant son pays en créant des personnages plus grands que nature.
Si on se laisse charmer par ce roman en vers, on remarque néanmoins qu’il reprend la même forme que les précédents de la même auteure. Le livre plaira aux inconditionnels de LeBlanc, mais il n’a pas la fraîcheur d’Alma : l’effet de nouveauté s’effrite.
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