Dans son cinquième recueil, Les démondeurs, Paul Bossé propose une riche réflexion sur l’Acadie d’aujourd’hui en traitant de sujets culturels, sociaux et politiques. Continuum, son précédent recueil, revenait sur des étapes importantes de sa vie, de sa naissance à l’âge adulte. Aujourd’hui, il est père et peut-être est-ce lors de sa « marche quotidienne autour du quartier » avec sa fille (de 20 mois dans ce poème) alors qu’il vit sa « quarantaine comme une maladie contagieuse / agréable » que sont nés les textes de ce recueil.
Fidèle à lui-même, il commente ironiquement sa province (« NB comme une note en bas de page »), son quotidien (« l’armada de tondeuses zigouillant son impatience ») ou l’Université de Moncton (« le département de sociologie ferme ses portes »), revisite son enfance (« ti-gars bien emmitouflé dans sa skidoo suit ») et aborde bien d’autres sujets dont la « Tim Nation » et la prolifération de restaurants franchisés sur la Mountain Road à Moncton. Moncton qui est le lieu évoqué dans la plupart des poèmes.
Qui sont ces « démondeurs » qu’il foudroie de ses vers ? Le mot évoque à la fois les « démons » destructeurs et l’émondage, cette action qui en soi peut être utile. Mais ici, l’émondage est destruction : le poète constate que la société court à sa perte si les humains ne changent pas leur façon d’utiliser les ressources de la planète et qu’il faut cesser « d’éradiquer des bouttes de jungle », de « répandre notre marde sur toutes les plateformes » et de « planter des mines antipersonnel autour de notre basse-cour ». Et la liste s’allonge de poème en poème, en particulier dans la série des six textes consacrés à ce qu’il appelle « les monstres ».
Pourtant, l’espoir persiste, si fragile soit-il. Il faut combattre cette « mentalité de menhir pas capable de saisir / que sans arbres c’en est fini pour nous ». Peut-être ses critiques sont-elles alimentées par la crainte de laisser à ses deux filles un monde qui ne serait que le « paradis artificiel des mammifères costumés ». De temps en temps, une touche d’un humour noir et grinçant apporte une respiration qui pour être caustique est aussi salutaire. Ainsi, il retient de Pâques « une infinité de lapins pris au collet / entre deux morceaux de styromousse » ou encore cette « étoile qui se désintègre pour nous », rappel sombre de la chanson d’Angèle Arsenault, « Y’a une étoile pour vous ».
Paul Bossé utilise ici le chiac avec parcimonie, lui préférant le registre de la langue familière. En soi, ce choix élargit la portée des textes et accroît la pertinence du chiac quand il l’utilise. S’il fait de l’autodérision quand il raconte la façon dont une « dame distinguée » de Caraquet « tssske » chaque mot anglais qu’il emploie, il constate que le « sud-est [du NB] lutte avec les mots les genres les temps verbaux […] continuellement spookés par l’assimilation ».
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