Depuis sa parution en 2014, ce quatrième roman d’Emily St. John Mandel fait sensation. Publié dans une vingtaine de pays, il a remporté le prix Arthur-C.-Clarke en 2015 et a été en lice pour des récompenses prestigieuses (National Book Award, PEN/Faulkner Award et Baileys Women’s Prize for Fiction). Si Station Eleven constitue la première incursion de l’auteure en science-fiction, ce n’est pas la seule fois où Mandel tâte de la littérature de genre puisque Dernière nuit à Montréal (2012) et On ne joue pas avec la mort (2013) relevaient du roman policier.
Une éclosion de grippe géorgienne contamine 99 % de la population mondiale et provoque très rapidement l’effondrement de la civilisation. Des années d’une rare violence s’ensuivent pour les survivants. Vingt ans après, le monde a repris un semblant de cours normal alors que de petites colonies vivent réfugiées dans des campements parfois aussi insolites qu’un MacDonald’s ou un Walmart désaffectés. Kirsten, l’une des protagonistes, fait partie de la Symphonie Itinérante, une troupe de musiciens et d’acteurs qui vont de communauté en communauté afin d’y jouer Shakespeare. Parfois, ils tombent sur des groupes dangereux, comme celui, à St. Deborah by the Water, dirigé par un inquiétant Prophète.
Comme roman post-apocalyptique, Station Eleven fait partie de ce qui s’est écrit de mieux depuis La route de Cormac McCarthy et la trilogie MaddAddam de Margaret Atwood. L’écriture est percutante et soignée. Les clichés, très peu présents. Les amateurs de science-fiction seront séduits par l’intrigue impeccablement conçue et par les allusions à Star Trek ou Doctor Who. Et comme roman tout court, Station Eleven est susceptible de contenter le lecteur le plus exigeant. Mandel juxtapose différentes trames événementielles, de sorte que le récit progresse sur plusieurs fronts, avant et après l’éclatement de la pandémie. Justin Cronin utilisait une technique analogue dans sa trilogie Le passage. La séquence concernant Arthur Leander – acteur mort en pleine représentation du Roi Lear à l’Elgin Theatre de Toronto, la veille de l’éclosion – est particulièrement réussie. Au chapitre 6, la « liste non exhaustive » de ce qui a disparu avec la civilisation est chargée d’une pénétrante mélancolie. Bref, un roman grandiose.
STATION ELEVEN
- Alto,
- 2016,
- Québec
424 pages
29,95 $
Trad. de l’anglais par Gérard de Chergé
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