Le patriotisme est-il une notion anachronique, un pâle fantôme du passé qui revient périodiquement hanter le débat public ? Que peut-il bien vouloir dire aujourd’hui pour les générations qui ne connaissent, par exemple, des grands débats référendaires que les phrases célèbres retenues à la suite de défaites historiques ? Professeur de littérature à l’Université Laval, Jonathan Livernois pose ces questions et tente d’y répondre en scrutant l’évolution de son rapport intime au Québec et à la nation québécoise.
L’essayiste propose dans un premier temps une archéologie de son imaginaire patriotique. L’approche personnalisée, des plus vivifiantes, nous fait découvrir un jeune garçon féru de généalogie, initié précocement à la force du sentiment national avec la découverte d’un ouvrage de Laurent-Olivier David. Or, ce qui est vrai du « pays » de l’enfance l’est aussi de la patrie d’un peuple : nul n’est à l’abri de l’histoire. Lorsqu’il est encapsulé dans un âge d’or magnifié et continue de nourrir l’idéal présent, le passé peut devenir paralysant. Autrement dit, s’il peut prendre acte de l’histoire afin d’en conserver les précieux enseignements, le patriotisme ne doit pas se cantonner dans la recherche d’un passé anachronique qui serait le signe d’une authenticité retrouvée. Il ne s’agit surtout pas, selon la métaphore de l’auteur, d’une antiquité à décaper dans le but de retrouver une essence première, un « temps zéro ».
Le patriotisme doit se mettre au diapason de son époque ; il doit, de plus, offrir une vision prospective et « s’ancrer dans ce que le Québec pourrait être, réellement ». Dans la seconde partie de son court essai, Livernois plaide donc en faveur d’un patriotisme bien de son temps, soucieux de justice sociale et devant effacer les frontières érigées par les partisans d’un nous exclusif. Des suggestions qui rallieront peut-être davantage ceux pour qui l’idée d’un nationalisme « néocanadien-français » sonne désormais creux. Une question demeure cependant, qui est de savoir de quelle façon le discours peut bien se faire chair, de quelle manière l’incarner concrètement pour lui éviter d’ajouter une entrée de plus au registre des vœux pieux. Et le simple fait que Livernois reprenne le cahier des charges établi par Fernand Dumont, il y a plus de quarante ans, autorise à accueillir ses visées prospectives avec une pointe de cynisme.
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