Aimer Paris, ce n’est pas en idolâtrer toutes les facettes. Nicolas d’Estienne d’Orves applique gaillardement ce principe. Il demeure froid devant la tour Eiffel ou même Notre-Dame, abandonne le musée Grévin à « la vulgarité », se moque des snobs qui, aux assises de la FIAC (Foire internationale d’art contemporain), « frétillent d’aise face à quelques savants gribouillages, certaines taches de couleur, les déclarant ‘intéressants’, ‘audacieux’, ‘si bien vus’ », juge frileuses les parades où le Gai Paris croit s’émanciper : « La vie est trop courte pour ces tricotages bourgeois. Sodome et Gomorrhe ont droit de cité sur nos boulevards, alors plongez dans la folie, dans l’excès, dans la dive insolence. Et là, ce sera vraiment carnaval ! »
Son sens critique ainsi démontré, l’auteur jouira d’une belle crédibilité quand il présentera son Paris. Bien que dépassant à peine la quarantaine, c’est en nostalgique qu’il louange, regrette, compare, entreprend ou suspend les pèlerinages. Tous les arts lui sont familiers, chéris, occasions d’anecdotes. La chanson française a perdu beaucoup de terrain, juge-t-il, mais combien d’airs et de noms suscitent toujours le souvenir ! Le cinéma, dont il connaît tous les réalisateurs, chacune des réussites et des vedettes, lui semble lui aussi amoché : « Avant, chaque cinéma avait son identité, son charisme, ses défauts, ses habitués. Aujourd’hui, nous sommes dans le magma flouté de la culture industrielle ». Les musées aussi ont évolué, mais pas tous dans le même sens. « Le musée du quai Branly est une vraie réussite. Dieu sait pourtant si elle fut au départ moquée, cette contribution chiraquienne à la vie culturelle française ! Après les fastes (et gouffres) mitterrandiens ayant accouché de la Bastille, du Louvre et de la BNF, n’a-t-on pas dit que le dadais corrézien se mêlait d’art comme un laquais s’invite à la Cour ? » Le regret refait surface dans le cas du Louvre : « Il faisait peur, ce Louvre d’avant Pei. Il intimidait, il inquiétait. Mais il séduisait. C’était un géant revêche, bougon, qu’il fallait apprivoiser. Aujourd’hui, c’est un restauroute du prêt-à-penser artistique. Ses collections figurent parmi les plus prestigieuses qui soient, hélas noyées dans le magma humain fleurant la basket et le tee-shirt ».
D’un dictionnaire amoureux, on attend un point de vue personnel, le penchant d’un individu, les outrances et les coups de cœur d’une liberté. Celui de Nicolas d’Estienne d’Orves est pleinement cela, depuis son vocabulaire branché et même racoleur jusqu’au déploiement de sa fascinante culture et de ses recherches exemplaires.
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