Après avoir rendu hommage à son père adoptif dans L’homme qui m’aimait tout bas (2009), Éric Fottorino entreprenait, dans Questions à mon père (2010), la lente remontée filiale, longtemps rejetée, vers le père biologique avant que ce dernier ne meure emporté par un cancer Dans les deux cas, l’empreinte autobiographique donnait à ces textes à la fois leur couleur singulière et leur charge émotive tout aussi particulière que différente et juste dans l’un et l’autre récit. Sans parler de la touche d’humour propre à l’auteur qui lui permet, par moments, d’alléger la gravité de son propos et ainsi d’éviter de verser dans les bons sentiments. Trois jours avec Norman Jail conserve cette inclination autobiographique et cette touche humoristique en empruntant à nouveau la voie de l’enquête pour, cette fois, lever le voile sur l’énigmatique personnage auquel le titre fait référence.
Qui est l’homme qui se cache derrière ce pseudonyme dont le patronyme évoque un lieu d’enfermement ? C’est ce qu’entreprend de découvrir Clara, étudiante en littérature. Au fil des conversations, qui se déroulent sur trois jours, on apprend ainsi que Norman Jail est l’homme d’un seul roman écrit à vingt ans, juste avant la guerre, alors qu’il était éperdument amoureux d’une jeune femme aussitôt disparue après être apparue dans sa vie. Autre référence au thème cher à l’auteur : la fragilité des liens qui lient les êtres, la disparition, le secret qu’ils emportent avec eux. Le titre du seul roman publié par Norman Jail est tout aussi évocateur du caractère éphémère des liens que nous tissons que des traces que nous laissons dans notre sillage : Qui se souviendra de nous ?
Au-delà de l’enquête menée par la jeune étudiante, qui porte autant sur cette mystérieuse jeune femme que sur Norman Jail, le lecteur apprend bientôt qu’elle en connaît bien davantage sur ce dernier, comme sur la jeune femme, qu’elle ne le laisse d’abord deviner. Mais c’est avant tout à une réflexion sur le pouvoir de l’écriture, sa magie et l’emprise qu’elle exerce sur qui s’y consacre, que se livre ici Éric Fottorino, et c’est sans doute l’aspect le mieux réussi du roman. L’insertion d’extraits d’un roman de Norman Jail dans le récit, qu’il remet à Clara pour illustrer et appuyer son propos, vient en quelque sorte rompre le rythme et la magie du récit. La rupture est-elle voulue ? La référence à Ernest Hemingway en exergue résume sans doute on ne peut mieux le propos du roman : Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses. Tout le reste n’est que fiction.
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