Julie Spieler aime son père, Abel, malgré ses infidélités, malgré sa puérilité, malgré son égoïsme forcené et malgré tout. Abel Spieler, professeur de littérature allemande dans une université parisienne et coureur invétéré, voue un culte absolu à l’œuvre de Kafka. Mue à la fois par le désir de rapprochement avec son père et par sa propre fascination pour un épisode de la biographie de Kafka élevé au rang de légende, Julie se lance dans une enquête qui la mènera à se prendre d’affection pour une énigmatique vieille dame. Aujourd’hui fort âgée et aigrie, Else Fechtenberg aurait reçu du célèbre écrivain tchèque, lorsqu’elle était petite fille, des lettres dont on ne sait plus ce qu’il est advenu. L’affaire est sérieuse, puisque pour mettre la main sur ces quelques lettres, « des spécialistes auraient tué père et mère ».
Fabrice Colin dit s’inspirer d’un fait rapporté par Dora Diamant, la dernière compagne de Kafka. En 1923, alors qu’il n’en avait plus pour longtemps à vivre, l’auteur de La métamorphose aurait rencontré dans un parc berlinois une fillette attristée par la perte de sa poupée. Pour la consoler, il aurait inventé une histoire de poupée en voyage, assez délurée pour communiquer par lettres le récit de ses aventures. Autour de ce fait non corroboré, Colin brode un roman à la fois grave et empreint d’humour.
Le père de Julie et la vieille ronchonne sont tous deux de fieffés menteurs, ce qui donne l’occasion à Colin de mener le lecteur sur de nombreuses fausses pistes et de tourner beaucoup autour du pot avant de répondre aux vraies questions. Les lettres existent-elles vraiment ? Frau Fechtenberg révélera-t-elle son secret ?
Si le roman a de quoi soutenir l’intérêt, on a parfois une impression de remplissage, et certaines interactions entre les personnages sont contrastées au point où il devient difficile d’y croire. Tout de même, le récit est plutôt alerte et la dernière partie, alors que les trois principaux personnages se retrouvent en huis clos, dans un chalet au pied du mont Blanc, est tissée sans accroc. Les souvenirs de Juive allemande de la vieille dame, les segments oniriques et l’ombre furtive de Kafka dans le tableau contribuent à la texture singulière de cette intrigue à résonance littéraire.
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