Philippe Claudel écrit comme il filme, avec tendresse, humour et force images. Dans son dernier livre, L’arbre du pays Toraja, le romancier-cinéaste affronte le sujet malaisé de la mort, surtout celle d’une personne aimée, et rend hommage à son ami disparu en 2013, l’éditeur Jean-Marc Roberts. Il parle d’amitié, de vins, de femmes, de cinéma, de tout ce qui le liait d’affection avec celui qui lui était précieux et dont le deuil est d’autant difficile à faire.
En guise d’ouverture, le romancier fait un détour par l’Indonésie et ses îles enchanteresses, précisément celle de Sulawesi – ou Célèbes –, là où habitent les Torajas, afin d’explorer leurs rites funéraires uniques au monde, particulièrement ceux réservés aux petits enfants. « Une cavité est sculptée à même le tronc de l’arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d’un linceul. […] Au fil des ans, lentement, la chair de l’arbre se referme, gardant le corps de l’enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. »
Né en Lorraine en 1962, l’écrivain – comme son personnage – aborde la cinquantaine avec circonspection. La maladie, puis la mort de plusieurs de ses proches, le corps qui n’est plus aussi en forme et les amours dont il se méfie expliquent en partie le mal de vivre qu’il ressent au mitan de sa vie. « M’ont toujours hanté les mots de Montaigne sur le fait que ‘philosopher c’est apprendre à mourir’, et que ‘ce n’est pas la mort qui est difficile, mais le mourir’. »
L’arbre du pays Toraja n’est pas un essai philosophique, plutôt un roman autobiographique dont l’émouvante métaphore sert de point de départ aux interrogations de l’auteur sur l’absence et la perte. « J’avance sans doute moins vite, et travaille moins bien que lorsque nous étions deux. Mais je continue. » Livre sur la mort, mais aussi livre sur son acceptation par la célébration des vivants. Le rendez-vous et la relation amoureuse arriveront sans surprise dans la deuxième partie du bouquin, un inévitable cliché. Pourtant, la délicatesse et la générosité avec lesquelles le romancier partage ses nostalgiques réflexions font d’une histoire somme toute quelconque un bien beau récit.
Membre de l’Académie Goncourt, Philippe Claudel a entre autres reçu le Renaudot pour Les âmes grises, le Goncourt des lycéens et le Prix des libraires du Québec pour Le rapport de Brodeck. Certains de ses films ont été primés, tels Il y a longtemps que je t’aime, qui a remporté le César du meilleur premier film et le BAFTA du meilleur film étranger, et Une enfance, celui du meilleur scénario à Namur.
Son film Tous les soleils, sorti en 2010, est une entraînante ode à la vie et demeure, sur un fond d’envoûtante tarantella sicilienne, un heureux moment de réflexion et d’humour.
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