Dans son premier livre, Simon Brousseau a pris le pari de nous donner un panorama, mais évidemment partiel, de l’expérience humaine en construisant une suite de plus de 200 microrécits indépendants les uns des autres, à la façon de Jours de chance de Philippe Adam. Chacun compte une douzaine de lignes et tient en une seule phrase. Écrit au « tu », le livre s’adresse en quelque sorte au lecteur, qui devient tour à tour et dans le désordre un bébé naissant, un adolescent, un parent, un vieux. Brousseau tente de capter une prise de conscience soudaine, un comportement inusité, une obsession dans lesquels il est possible de se reconnaître. Si certaines expériences apparaissent moins senties que d’autres, il ressort de cette composition quasi musicale une grande acuité et un réel talent d’observation. Nombre de ces fictions évoquent l’univers mental d’une génération née au milieu des années 1980, comme l’auteur. Et ce sont sans doute les passages les plus réussis du livre. Brousseau fouille alors dans les contradictions de ces jeunes trentenaires, dans leur rapport complexe avec la technologie, leur soif de consommation coupable. Mais d’autres passages, qui assurément ne relèvent pas du vécu de l’auteur, sont fort drôles ou émouvants, comme celui qui concerne un joueur de pétanque d’un club de l’âge d’or : « […] si tu joues avec un certain entrain, les morts récentes de tes sœurs et de tes frères, puis celle de ta femme te reviennent et fatiguent tes élans, et tu te désintéresses de tes gestes à l’instant où tu les poses, car tu es absorbé par l’évidence béante du vide devant toi ».
Plus on avance dans le livre, plus on est fasciné par la multiplicité de ces points de vue, qui défilent selon un rythme cadencé, je dirais même implacable : l’un a à peine le temps de se dire que l’autre prend sa place. On se croirait dans une foule où tout le monde veut parler en même temps.
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