Avec ce second recueil de nouvelles, après Onze petites trahisons paru chez le même éditeur en 2011 et qui lui avait valu d’être finaliste au Prix du Gouverneur général, Agnès Gruda affirme une fois de plus sa maîtrise du genre. Mourir, mais pas trop regroupe treize nouvelles réussies qui s’insèrent dans un ensemble cohérent dans lequel la mort évoquée dans le titre, si elle est toujours au rendez-vous, ne manque pas de nous surprendre à plus d’une occasion. L’auteure, rompue au métier de journaliste, sait raconter une histoire, donner vie à ses personnages et tenir son lecteur en haleine jusqu’à son dénouement. Cela est indéniable. Agnès Gruda ne cherche pas tant à surprendre par l’inventivité narrative qu’à témoigner du monde dans lequel nous vivons, tantôt en évoquant sa cruauté, tantôt la fragilité de l’existence. Ses personnages appartiennent à la cohorte des gens que nous croisons et côtoyons chaque jour, ni héros, ni passant anonyme, plutôt des hommes et des femmes qui s’efforcent de tirer leur épingle du jeu dans un monde sans cesse mouvant où les repères d’hier ne peuvent être garants de sécurité et de confort. Chacune des histoires qui composent ce recueil, tel un miroir que l’auteure nous tendrait, nous rappelle que nous pourrions tous, un jour ou l’autre, nous retrouver au cœur de l’un des événements dramatiques qui surgissent ici. Le texte sur lequel s’ouvre le recueil, « La chambre froide », donne froid dans le dos. Une femme participe à un colloque au moment où se tient une conférence sur la haute cuisine en compagnie d’autres convives indifférents à ce qui se déroule autour d’eux comme dans tout bon colloque. Une détonation sourde se fait entendre, et l’on pense aussitôt à des feux d’artifice alors que se déclenche un autre scénario : un attentat terroriste fait soudainement basculer les convives dans l’horreur. La peur sourde et l’effroi qui circulent entre les tables sont ici évoqués avec force. Le lecteur se retrouve à ramper sous les tables avec la protagoniste pour échapper à l’enfer. C’est là l’une des forces d’Agnès Gruda : plonger son lecteur dans le vif d’une situation et lui faire ressentir ce que vivent ses personnages en temps réel, pourrait-on dire. Ce faisant, elle en révèle aussi, par la répétition, la mécanique d’écriture qui, bien qu’elle soit parfaitement maîtrisée et porte sur des situations différentes, finit par être prévisible. Comme dans cette autre nouvelle, « Savoir ou pas », dans laquelle le personnage se demande s’il est ou non porteur du gène de la maladie de Huntington. Un même scénario se met en branle jusqu’au dénouement final qui prend ici une couleur woodyallienne. L’adoption d’un point de vue narratif à la première personne est ici prédominante et bien que ce point de vue concoure à renforcer la cohérence de l’ensemble, il n’est pas étranger à l’effet de similitude qui s’en dégage. Mis à part cette réserve, Mourir, mais pas trop est un excellent recueil de nouvelles.
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