Avec le printemps refleurissent les tulipes, reviennent les outardes et éclosent aussi les centaines de casse-croûtes semés le long des routes provinciales, fleurons saisonniers d’une gastronomie authentiquement québécoise. Dans sa plus récente parution, David Dorais rend hommage à ces artisans des bas-côtés et aux traditions culinaires de la Belle Province, ainsi qu’à toute une culture délicieusement kitsch qui, sous la forme d’une esthétique irréductible, s’accroche toujours aux décors surchargés de lointains campings ou à quelques morceaux de paysages autoroutiers.
Une épopée du banal attend la jeune Fleurette lorsque, victime d’un vol à main armée, elle prend congé de ses activités de serveuse au restaurant La Belle Province pour partir en auto-stop vers Cabano. Son but ? Assister aux festivités locales de la Saint-Jean-Baptiste consacrées à la grandeur du chien chaud. Sur la route, elle s’attarde dans quelques-unes des institutions du ti-pop québécois, fréquente brièvement des hauts lieux tels que le Camping Sainte-Madeleine ou le défunt Madrid, et croise même la gargotte de nul autre que l’héritier de François Galarneau, le roi du hot-dog de Jacques Godbout. Les lecteurs de Dorais y reconnaîtront une recette éprouvée dans Plus loin, autre roman de la route, coécrit avec Marie-Ève Mathieu celui-là, qui consistait à accumuler les rencontres afin de laisser parler l’histoire de chacun de ces personnages au parcours sinueux : celles de Pikilia, la tenancière d’un buffet aux saveurs du monde, de Martin, un jeune homme vaseux, ou d’une dénommée Violante, camionneuse philosophe un brin mystique.
Au cours de cette odyssée touristique à la verve carnavalesque, l’écrivain sublime un imaginaire populaire trop souvent occulté, célèbre un Québec aux aspects de poutine ethnique où se mélangent les ingrédients d’un multiculturalisme éclaté. Il arrive que la louange verse dans le plaidoyer, le ton professoral des nombreux dialogues et l’idéalisme candide des discours en matière de mixité culturelle en redonnent constamment la preuve. L’ambition est pourtant noble et comme dans la plus traditionnelle des cuisines, on se garde bien des encombrantes subtilités. Oh ! La belle province est un roman d’été all dressed dont on ne fait qu’une bouchée, l’équivalent littéraire d’un épisode de Bouffe en cavale écrit par Claude Jasmin.
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