J’attendais avec impatience le nouveau livre de Philippe More, et je dois dire que je n’ai pas été déçue. Dans son précédent recueil, Le laboratoire des anges, prix Émile-Nelligan 2010, le poète rendait compte avec une minutie horrifiante de la lente agonie d’un homme dans une chambre d’hôpital. Ce médecin du Haut-Richelieu entremêlait alors avec une grande maîtrise le langage de la médecine et celui de la métaphysique dans des métaphores poignantes qui parlaient de fuite, de fil ténu, d’espoir malgré tout.
Dans Les âges concentriques, il évoque à sa manière très dense et imagée le lent réveil de la conscience. L’enfant, un matin, quitte les berceuses et les fées pour se retrouver dans un corps trop grand pour lui, étranger. « [L]e trou par / où tu as rêvé », écrit le poète, par lequel tu es venu jusqu’ici, est désormais trop étroit. Il est dès lors impossible à l’enfant de retourner là d’où il vient ; pas de ressac. Il a à peine ouvert les yeux qu’il est confronté au passage inéluctable du temps et à la mort pernicieuse, la sienne, lointaine, mais aussi à celle du grand-père, appréhendée. Ces vies qui lui échappent, il cherche à en retenir les morceaux évanescents.
Le titre du recueil, Les âges concentriques, fait référence aux anneaux dans le tronc de l’arbre. Il est d’ailleurs bellement représenté dans les illustrations de Nathalie Bandulet qui émaillent le texte. L’âge, c’est « l’invention / de quelques siècles », « c’est toi débordant / des personnages trop / maigres qui viendront / s’endormir près de toi ». C’est une histoire qui est racontée à la périphérie de ton existence. Qui voudrait te dire, mais qui n’y arrive pas. À l’image de ce livre qui s’écrit. Te voilà déjà en train de disparaître. « Disparaître : c’est finir là / où ton portrait commence ».
On entre aisément dans les poèmes de Philippe More, comme dans de petites pièces dont il suffit d’ouvrir la porte pour en saisir d’un seul regard l’architecture. Ce sont des pièces obscures, sans doute, mais où la lumière filtre parfois à la manière d’évidences. L’obsession de la mort, cependant moins centrale que dans le recueil précédent de l’auteur, plane sur chaque geste.
Voilà un recueil intense et fort.
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