Le temps d’un roman bref et néanmoins poignant, Robert Lalonde se glisse dans la peau de Tchékhov, endosse ses pensées et ses doutes. Le prolifique écrivain acteur avait déjà imaginé des épisodes inédits de la vie de Flaubert dans Monsieur Bovary ou Mourir au théâtre, et de Yourcenar dans Un jardin entouré de murailles. Il construit cette fois sa version des dernières années de la vie de Tchékhov, où celui-ci se lie à l’actrice Olga Knipper, tout en entretenant une énigmatique relation épistolaire avec un apprenti écrivain.
Le docteur Tchékhov reçoit une lettre, accompagnée d’un conte, de la part d’un jeune inconnu qui se fait appeler Iégorouchka, prénom du personnage principal de sa célèbre nouvelle « La steppe ». Au grand dam de sa sœur Macha, le maître répond au « petit » et daigne lui prodiguer quelques conseils. « [S]ache que tu ne dois pas montrer le personnage simplement comme il est. Tu dois savoir à quoi il rêve ! » De cette manière, Lalonde transmet par l’entremise de son Tchékhov une vision de l’écriture, tout en mettant en pratique ses propres principes. Il imaginera ainsi le moment précis où serait apparue à Tchékhov l’idée de la pièce La cerisaie. L’étincelle jaillit en écoutant distraitement raconter une banale anecdote, dans un café du vieux Nice fréquenté par des compatriotes, tout aussi exilés qu’imbibés de vodka.
L’écrivain russe a gagné le sud de la France pour ménager ses poumons assaillis par les bacilles de la tuberculose. En même temps qu’il voyageait vers un climat plus doux, son jeune admirateur partait de sa lointaine province dans le but de retrouver le maître à sa résidence de Mélikhovo. La rencontre physique n’aura pas lieu, mais une relation particulière se noue à travers l’écriture, entre Tchékhov et cet apprenti dans lequel il voit peut-être un double. « Ferais-tu partie, toi aussi, de ceux qui sont avec les autres sans y être ? »
Les rapports maître-élève, l’amour, l’idéalisme, la maladie et la mort sont autant de thèmes enchevêtrés ici, dans un texte plus marqué par la finesse que par la luxuriance souvent rencontrée chez Lalonde. Sauf les toutes dernières pages, un épilogue en forme de lettre dont le récit profite peu, le roman s’épanche comme une source claire. Un nouveau coup de maître.
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