Le titre du dernier ouvrage d’Hélène Carrère d’Encausse est trompeur, car le regard qu’elle porte sur les bouleversements qu’a connus l’Union soviétique à la fin du siècle dernier ne s’arrête pas avec l’effondrement de l’empire soviétique en 1991. Il couvre également toute la décennie 1990, les années où allaient ressusciter et se réinventer les communautés nationales disparues sous le bolchevisme.
La première partie de l’essai est principalement consacrée à Mikhail Gorbatchev. C’est lui qui, le premier, a reconnu la nécessité de réformer le système soviétique enlisé depuis des lustres dans l’inefficacité économique et l’immobilisme politique. Arrivé aux commandes du pays en 1985, le nouveau secrétaire général voulait réformer le régime en s’appuyant sur deux piliers : la glasnost et la perestroïka. Avec la glasnost (transparence), il comptait libérer une parole interdite depuis 70 ans et lever ainsi le voile sur les excès du stalinisme, ce qui, espérait-il, amènerait le peuple à se réconcilier avec son passé. La perestroïka (reconstruction), elle, visait à remettre l’économie soviétique sur les rails en réorientant les lieux de prise de décision du centre vers les républiques.
À cette époque, les positions de Boris Eltsine quant à l’avenir de l’Union soviétique n’apparaissaient pas très claires. Issu de la filière du Parti communiste dont il avait gravi un à un les échelons, il vint à Moscou sous l’invitation de Gorbatchev. Sans être chaleureuse, leur relation sera cordiale pendant deux ans. Mais le tempérament bouillant et fougueux de Eltsine opposé à la prudence et à une certaine naïveté chez Gorbatchev creusera rapidement un fossé entre les deux hommes. Au fil des années et à travers une multitude d’instances politiques et gouvernementales, leurs affrontements se durciront. De conférences en plénums, de congrès en présidiums, Carrère d’Encausse nous en rapporte tous les tours et détours.
Un événement allait couper court aux discussions. À l’été 1991, une poignée de militaires et d’hommes politiques ourdissent un coup d’État pour démettre Gorbatchev de ses fonctions et réinstaurer un communisme pur et dur. Malgré l’échec lamentable des putschistes qui avaient mal évalué les appuis dont ils disposaient, Gorbatchev s’en trouva tout de même politiquement brisé. Eltsine, lui, deviendra de facto le militant infatigable de l’abolition du Parti communiste plaidant pour l’instauration d’une nouvelle entente politique entre les républiques devenues États indépendants : ce sera la création de la CEI (Communauté des États indépendants).
Il fallait toutefois empêcher tout retour au pouvoir des tenants, encore nombreux, du communisme même s’il était aboli, d’où la précipitation à se lancer dans une privatisation tous azimuts des industries et des entreprises de l’ère communiste. Ce seront les années de turbulences économiques qui verront l’économie soviétique piquer davantage encore du nez en même temps qu’émergeront à la fois une nouvelle classe sociopolitique, les oligarques, et un nouvel homme fort, Vladimir Poutine.
Spécialiste incontestée de l’histoire de la Russie, dont sa famille est originaire, Hélène Carrère d’Encausse ne cache pas son admiration pour Gorbatchev et Eltsine. Ces hommes sont à l’origine du plus grand bouleversement géopolitique du siècle dernier, écrit-elle. C’est sans doute pour leur rendre hommage qu’elle s’est astreinte, dans son ouvrage, à un travail de recherche d’une minutie admirable à défaut d’être toujours passionnant.
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