La question du rapport de notre espèce avec les autres espèces animales est porteuse d’une lourde charge émotive et n’a pas fini de susciter la controverse. Le philosophe Martin Gibert suppose, par dérision, que « le véganisme fait chier » et j’ai bien envie de lui donner raison, sérieusement. Ce que mangent ou ne mangent pas les véganes, cela n’est sûrement pas un enjeu crucial. Toutefois, lorsqu’ils donnent dans le prosélytisme, cela peut finir par agacer, surtout lorsqu’il s’agit de nous convaincre de tenir la consommation de viande pour un geste immoral.
Dans les trois premiers chapitres de son essai, Gibert nous sert des arguments plutôt habituels en faveur du véganisme, soit l’éthique animale, la sauvegarde de l’environnement et le refus de voir, ou la dissonance cognitive. Pour ce qui est de la règle éthique interdisant d’infliger aux animaux une souffrance non nécessaire, il est vrai qu’elle suscite une large adhésion. Toutefois, l’objection soulevée par les véganes est liée au fait qu’ils sont les seuls à ne pas juger nécessaire la contribution des animaux à l’avancement de l’humanité. En effet, on peut facilement concilier une position éthique respectueuse des animaux avec la consommation et l’utilisation de nombreuses espèces animales (ne serait-ce que pour servir la science, qui a permis de connaître la faculté de ressentir des animaux). Pour ce qui est de l’argument environnemental, il milite assurément en faveur d’une diminution de la consommation de viande, mais comment pourrait-il justifier, le cas échéant, l’élimination d’une consommation réduite à un rarissime rituel ? Enfin, la dissonance cognitive, qui nous empêcherait de voir l’animal mort dans notre assiette, est une invention des véganes qui, eux, semblent avoir un problème de culpabilité avec le fait de tuer un animal pour le manger.
Le propos du quatrième chapitre est plus original et étonnant. Selon Gibert, tenez-vous bien, le véganisme serait un humanisme. Qu’il soit permis d’en douter de prime abord, quand un certain discours végane radical refuse le droit de parole aux non-véganes en matière de condition animale. Pour en arriver à considérer les animaux au même titre que les humains sur le plan moral, les véganes doivent nier la frontière bien réelle instituée par la culture entre l’humain et l’animal. Une vision philosophique teintée de biologisme, intenable en dehors de sa propre bulle.
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