Même si l’on partage l’admiration de Victor-Lévy Beaulieu pour monsieur Parizeau, la complicité ne hissera pas ce bouquin au rang de livre marquant. Beaulieu, qui méritait une convalescence après les efforts investis dans son gigantesque 666, Friedrich Nietzsche, commet cette fois un livre sympathique, mais sans véritable concentration sur le personnage visé. L’hommage à Monsieur se dilue en préoccupations périphériques et en règlements de comptes à distance du propos initial.
Ce qui, dans l’essentiel de son énorme production, fait la force et le magnétisme de l’écrivain lui nuit ici, en effet. Son louable intérêt pour les œuvres littéraires québécoises demeurées ignorées le conduit, par exemple, à acquérir les treize tomes des Pages de journal du père de Jacques Parizeau ; le battage autour de cet achat ajoute peu à l’hommage rendu au fils Parizeau. Le contact littéraire établi autrefois par l’éditeur Beaulieu avec Alice Poznańska conduit l’auteur à un éloge appuyé des œuvres de la première femme de Parizeau ; encore là, l’hommage offert à la romancière, bien que légitime, retient l’attention plus que nécessaire. Le soin qu’apporte l’écrivain à cultiver son image de paysan contribue plus clairement encore à réduire l’éclairage visant particulièrement Parizeau. Pareille dispersion est si rare dans l’œuvre de Beaulieu qu’on peut l’imputer en bonne partie, comme l’auteur le fait lui-même, à l’épuisement causé par l’édification du dossier sur Nietzsche.
Cette fatigue explique peut-être aussi les étonnantes et inhabituelles gaucheries de l’écriture. Quelques exemples : « […] je suis du genre de ceux que la médicamentation ne représente pas un véritable recours » ; « Une attitude qu’Alice ne partageait pas et que Monsieur Parizeau mit un certain temps à se défaire » ; « Je n’eus donc pas besoin de chercher de midi à 14 heures » au lieu de « chercher midi à 14 heures » ; « […] les îles immergeant de l’eau en véritables perles »…
Heureusement, le Beaulieu profond et inébranlable survit à la fatigue évidente. Il ose, à propos de la fameuse phrase de Parizeau au soir de la défaite référendaire de 1995, se porter à la défense de l’ex-premier ministre : quand le vote en faveur du NON atteint ou dépasse 95 % dans certaines circonscriptions, n’est-ce pas là et pas ailleurs qu’il faut parler de vote ethnique ? Que Beaulieu prenne ses distances par rapport à René Lévesque lorsque celui-ci se commet dans le « beau risque », on ne s’en étonnera pas non plus.
De ce livre, retenons l’intention plus que le résultat.
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MONSIEUR PARIZEAU
LA PLUS HAUTE AUTORITÉ, RECUEILLEMENT
- Trois-Pistoles,
- 2015,
- Trois-Pistoles
148 pages
24,95 $
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