Avec fougue et de fiables documents à l’appui, Gaétan Bélanger se porte à la défense des baby-boomers, victimes, selon lui, d’un dénigrement injustifié. Dénigrement souvent propulsé par la volonté des nantis d’esquiver le blâme que mérite leur voracité : « En désignant les boomers comme boucs émissaires, ils [les privilégiés] détournent l’attention des vraies injustices : les inégalités croissantes entre les plus riches et le reste de la population, les profits des entreprises en hausse exponentielle sans contribution fiscale correspondante ». La démonstration, globalement convaincante, se déploie sur deux fronts : les boomers ne méritent pas l’opprobre ; les difficultés de notre petit monde découlent non d’un conflit entre générations, mais de l’hégémonie d’une classe riche.
Depuis déjà un quart de siècle, l’analyse que mène Bélanger se heurte à un certain nombre de nébulosités. La première porte sur la description du baby-boom : alors que François Ricard (La génération lyrique, Boréal, 1992) scinde le phénomène en deux flots québécois distincts et situe en 1942-1943 la première recrudescence des naissances, Bélanger présente comme un consensus une autre définition du boom : « Entre 1946 et 1964, période généralement considérée comme étant celle du baby-boom au Canada ». Moment et décor diffèrent. Une seconde difficulté provient de la propension viscérale des collectivités à charger un bouc émissaire de la responsabilité de leurs difficultés. À juste titre, l’auteur voit dans cette détestation irréfléchie une injustice cruelle et coûteuse : « […] comment peut-on, sérieusement, attribuer à toute une génération des traits communs, des caractéristiques qui s’appliquent à l’ensemble, ou même juste à la majorité ? » Le mérite de Bélanger consistera à étayer d’un examen méticuleux chacun des chefs d’accusation formulés à l’encontre des boomers ; dans les pires cas, comme ceux de Richard Martineau ou d’Alain Samson, le grief se vide en ballon percé.
Peut-être l’essayiste court-il un risque à décrire les boomers comme confrontés eux aussi aux aléas de l’évolution socioéconomique ou même défavorisés plus que d’autres segments de la collectivité : les privilégiés de la fortune deviendraient, en lieu et place des boomers, les cibles d’une nouvelle généralisation abusive. Du coup, l’analyse négligerait nombre de facteurs, dont le rendement boursier, le poids de la dette publique, la qualité des équipes ministérielles, les gaspillages militaires… Elle substituerait un bouc émissaire au précédent, tout en sous-estimant les culpabilités sectorielles.
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