On pense rapidement à Borges, Perec ou au Carrère de La moustache lorsqu’on lit ce premier roman du prolifique nouvelliste, essayiste et éditeur Gilles Pellerin. Son « homme mesuré » est un fonctionnaire tout ce qu’il y a d’ordinaire, « sans qualités », dirait Musil. Conjoint et père attentif, il mène une vie si banale, si anonyme, que pour donner une idée juste de son insignifiance, il faudrait créer le verbe « insignifier ». Or un jour, une petite révolution s’opère. Les choses commencent à émerger de leur angle mort. L’homme mesuré a l’impression, en se rasant, que l’individu reflété par la glace n’est plus lui. Dès lors, la réalité entre subtilement en distorsion. D’un « bal de la Marionnette » à un concours de sosies pour la Télévision nationale en passant par un épisode érotique dans un magasin de meubles, le personnage se retrouve engagé dans une série de situations étranges.
Le goût de Gilles Pellerin pour les formes narratives brèves est évident dans Un homme mesuré. Pas seulement parce que le roman fait moins de cent cinquante pages, mais aussi parce que les chapitres ne s’étendent jamais au-delà de deux pages. Le plus court ne comporte même que deux phrases, sept mots en tout. D’ailleurs les mots, Gilles Pellerin les traite amoureusement. L’homme mesuré et sa compagne sont cruciverbistes (ils s’adonnent au « cruciverbiage », écrit Pellerin). Quand sa fille lui demande ce qu’il fait dans la vie, le narrateur et héros a envie de lui répondre qu’il interprète le monde à partir de fautes d’orthographe…
Un homme mesuré propose une joyeuse et singulière incursion dans la vie intime d’un quidam tout en s’émaillant d’allusions comiques à notre société du « politique-spectacle ». Voilà tout compte fait un roman miniature qui se lit avec grand plaisir.
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