« Marek Halter naît à Varsovie en 1936. Il s’inscrit dans une lignée d’imprimeurs juifs dont les récentes générations sont politiquement proches du socialisme. La guerre disperse la famille après l’avoir soumise au ghetto de Varsovie. L’enfant passe d’un creuset culturel à l’autre. À cinq ans, la Pologne est déjà derrière lui. À neuf ans, c’est l’Ousbékistan. À quatorze, Paris. À quinze ans, le premier contact avec Israël. À dix-sept, l’Argentine… »
L. Laplante, Nuit blanche, no 77
* Photo ©Maurice Rougemont/Opale/Éditions Robert Laffont
Réconciliez-vous !
Juifs, chrétiens, musulmans, Mes frères, mes amis, mes voisins1
Par Yvan Cliche
Courageusement, l’écrivain français bien connu Marek Halter, né à Varsovie, de confession juive, lance ce cri du cœur pour la réconciliation entre les trois religions monothéistes, impliquées à fond dans le conflit israélo-arabe qui se déroule depuis les six dernières décennies, un fait qui a fortement contribué à empoisonner les rapports interreligieux.
Courage de l’auteur en effet de tenter de rétablir les ponts, alors que ce sont souvent les plus radicaux qui sont écoutés et entendus, ceux qui préconisent, dit l’auteur, les solutions provisoires fondées sur le rêve, un rêve qui, essentiellement, nie l’autre dans son existence. « Tuer une ou deux générations au nom d’un rêve est-il acceptable ? Pour ne pas souiller vos propres textes sacrés, oubliez vos rêves et réconciliez-vous ! »
Comment ? En commençant par évacuer Dieu, suggère l’auteur, terreau fertile des bornés, voire des terroristes.
Et crier. Crier son opposition à la ligne dure, dénoncer la rigidité des tenants de la manière forte, ceux que la haine aveugle, ceux qui se voient en porte-drapeau d’une cause au mépris des droits fondamentaux. Crier son opposition à ceux qui prônent la violence au nom de la religion, et qui anéantissent ainsi la parole, le dialogue.
Dans un contexte moyen-oriental si déprimant, où les faiseurs de paix apparaissent bien fatigués, cet appel à « voir la lumière dans l’obscurité » est tout simplement rafraîchissant.
1. Marek Halter, Réconciliez-vous ! Juifs, chrétiens, musulmans, Mes frères, mes amis, mes voisins, Robert Laffont, Paris, 2015, 62 p. ; 5,95 $.
Les femmes de l’islam2
Par Laurent Laplante
Une fois de plus, Marek Halter place sa production littéraire sous deux bannières : la réconciliation entre les différentes religions et l’hommage dû aux femmes dans l’essor de chaque credo. Cette fois, c’est sur la naissance de l’islam qu’il se penche et sur le rôle qu’ont assumé dans son envol l’épouse et la fille du Prophète.
Khadija, qui a efficacement pris les commandes du commerce bâti par son défunt mari, possède assez de pragmatisme pour prévoir les contraintes que devra accepter une femme dans le monde arabe. Elle est pourtant trop fière pour abdiquer entre les mains d’un homme dont son cœur ne voudrait pas. Heureusement, les dieux de l’islam et de la littérature apaisante résolvent la difficulté en plaçant sur sa route Muhammad, un jeune homme satisfaisant aux exigences du sentiment comme à celles de la gestion. Qu’il soit plus jeune que Khadija importe peu, puisqu’il s’engage à ne jamais épouser, tant que vivra Khadija, une deuxième ou une troisième femme. Pendant un temps, tout va bien dans le couple et le commerce. Peu à peu, cependant, Muhammad vaque à d’autres tâches : au creux d’une grotte, il médite, prie, reçoit la dictée de l’ange Gabriel. De gestionnaire et guerrier, il devient croyant et prophète. Khadija mourra avant que cette vocation se déploie pleinement, exprimant sa foi, mais sans plus.
Fatima naît de cette union entre Khadija et Muhammad. Au lieu d’être le deuxième fils qui aurait renforcé le statut de Muhammad face aux rivaux, elle fut la quatrième fille. Qu’à cela ne tienne, elle acquerra les habiletés guerrières qui caractérisent les mâles et s’efforcera d’être un fils plutôt qu’une fille aux yeux de son père. Elle obéira quand même à son père quand celui-ci lui choisira un époux.
On aura compris qu’une marge sépare les romans des projets portés par Marek Halter. D’une part, l’auteur met si fermement l’accent sur la pondération de Muhammad qu’il en fait son thème principal et qu’il ébranle heureusement les préjugés au sujet de l’agressivité de l’islam. Par ricochet, mais par ricochet seulement, l’amitié que Muhammad propose aux juifs s’harmonise avec la recherche de réconciliation entre les églises. D’autre part, il faut bien constater que ni Khadija ni Fatima ne pèsent lourd face au machisme ambiant. Tôt ou tard, les deux doivent accepter la loi du mâle. Louables visées, programme imparfaitement respecté.
Malgré le métier et les dons de conteurs de Halter, les réticences que suscite la littérature imprégnée de bonnes intentions demeurent justifiées.
2. Marek Halter, Les femmes de l’islam : T. 1, Khadija, Robert Laffont, Paris, 2014, 368 p. ; 29,95 et T. 2, Fatima, Robert Laffont, Paris, 2015, 345 p. ; 29,95 $.